Le bibliophile
Ce n’était pas quelque tableau de l’école flamande, un
David-Téniers, un Breughel d’Enfer, enfumé à n’y pas
voir le diable.C’était un manuscrit rongé des rats par les bords, d’une
écriture toute enchevêtrée, et d’une encre bleue et rouge.- » Je soupçonne l’auteur, dit le Bibliophile, d’avoir
écu vers la fin du règne de Louis douze, ce roi de pater-
nelle et plantureuse mémoire. »» Oui, continua-t-il d’un air grave et méditatif, oui,
il aura été clerc dans la maison des sires de Chateau-
vieux. »Ici, il feuilleta un énorme in-folio ayant pour titre le
Nobiliaire de France, dans lequel il ne trouva mentionnés
que les sires de Chateauneuf.- » N’importe ! dit-il un peu confus, Chateauneuf et
Chateauvieux ne sont qu’un même château. Aussi bien il
est temps de débaptiser le Pont-Neuf. «
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Aloysius BERTRAND
Louis Jacques Napoléon Bertrand, dit Aloysius Bertrand est un poète, dramaturge et journaliste français, né le 20 avril 1807 à Ceva (Piémont), mort le 29 avril 1841, à dix heures du matin, à l’hôpital Necker de Paris. Considéré comme l’inventeur du poème en prose, il est notamment l’auteur d’une œuvre... [Lire la suite]
Un vieux bouquin pour Verlaine (Pays de Poésie, 27-10-13)
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On chasse le vieux livre, on s’y prend patiemment.
Scrutant l’empilement jusqu’à l’instable cime,
Poussant le bouquiniste en son retranchement,
On cherche le trésor que si fort on estime.
Le livre toutefois, caché sournoisement
Dans le fond d’un tiroir, sait qu’il est rarissime
Et ne se montre point. Mais au bout d’un moment,
Il convient que l’on peut s’afficher magnanime ;
Il surgit, au grand jour. Le bon client s’exclame :
« C’est toi ! je t’ai cherché, remarquable bouquin,
Et je te trouve ici ! Allons ! Petit coquin !
Depuis trente ans, je vois ton nom sur mon programme
De lecture, et je vais te lire cette nuit. »
(Le lisant, il n’en est que faiblement séduit)
Ambicaprin
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Voici l’ambicaprin, qui drague patiemment,
Atteignant chaque jour l’inaccessible cime,
Poussant sa favorite en ses retranchements,
Devenant un héros pour gagner son estime.
Jamais l’ambicaprin n’agit sournoisement,
S’il est des exceptions, elles sont rarissimes
Et ne se disent point. C’est un si fol amant,
Un vainqueur si charmant, un roi si magnanime !
S’il surgit, au grand jour, la biquette s’exclame :
« C’est toi ! je t’ai cherché, facétieux Arlequin,
Et je te trouve ici ! Allons ! Quel grand coquin !»
Il a noté déjà cent noms sur son programme ;
A-t-il assez de jours, a-t-il assez de nuits ?
Et sera-t-il un jour un séducteur séduit ?
Corne d’abondance
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Source de mille fruits qui viennent doucement,
La corne d’abondance est le trésor ultime ;
Elle m’a procuré les meilleurs aliments,
Comme tout un chacun, je l’aime et je l’estime.
Elle verse la bière et le vin largement,
Elle fournit parfois des choses rarissimes ;
Elle est pleine d’amour et n’a jamais d’amant,
Semblant s’accommoder d’un très frugal régime.
Pour griller de la viande elle fournit la flamme,
Pour vaincre l’insomnie elle trouve un bouquin
Et pour se travestir, un habit d’Arlequin.
Je n’ai jamais trouvé la clé de son programme,
Ni le code secret, ni le plan des circuits ;
Car je n’y comprends rien, béotien que je suis.
Œil pour œil, dent pour dent
Pour ne pas l’éveiller, il part tout doucement,
Sans l’avoir avertie et, vexation ultime,
Il emporte avec lui ses plus beaux parements,
Hérités de sa mère, haute dans son estime.
S’il se comporte ainsi, et ce très largement
(Qu’il en soit autrement est plus que rarissime),
C’est que par le passé, l’indélicat amant
A été lui aussi soumis à ce régime :
Son prime amour pour qui, son cœur était en flamme,
Est partie sans rien dire avec tous ses bouquins ;
Il envia le destin de Thérèse Raquin.
Mais l’homme renonça au funeste programme
Pour la loi du talion, c’est pourquoi il séduit,
Puis, quand l’autre est conquis, sèchement éconduit.