Le Bain du Roi
Rampant d’argent sur champ de sinople, dragon
Fluide, au soleil de la Vistule se boursoufle.
Or le roi de Pologne, ancien roi d’Aragon,
Se hâte vers son bain, très nu, puissant maroufle.Les pairs étaient douzaine : il est sans parangon.
Son lard tremble à sa marche et la terre à son souffle ;
Pour chacun de ses pas son orteil patagon
Lui taille au creux du sable une neuve pantoufle.Et couvert de son ventre ainsi que d’un écu
Il va. La redondance illustre de son cul
Affirme insuffisant le caleçon vulgaireOù sont portraicturés en or, au naturel,
Par derrière, un Peau-Rouge au sentier de la guerre
Sur son cheval, et par devant, la Tour Eiffel.15 février 1903
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Alfred JARRY
Alfred Jarry, né à Laval (Mayenne) le 8 septembre 1873 et mort à Paris le 1er novembre 1907, est un poète, romancier et dramaturge français. Alfred Jarry est le fils d’Anselme Jarry, négociant puis représentant en commerce, et de Caroline Quernest. En 1878, il est inscrit comme élève dans la division des minimes du petit... [Lire la suite]
Blasonnement hésitant
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De gueules, cet écu, cette pure merveille
À deux lions orangés qui dorment à moitié,
À un monstre volant qui dit : Ayez pitié !
(Mais que peut donc bien être une bête pareille ?)
Comment le blasonner, si l’un des lions s’éveille
Et sort pour se livrer à son sort de guerrier,
Ou si d’une antilope il se fait meurtrier ?
(Ou si, sur son museau, se posait une abeille ?)
Ou si, parmi les lions, venait un tamanoir,
Un phoque, un éléphant, un ours, un cheval noir,
Un bestiau non décrit dans la littérature ?
Ou si le vent changeait la teinture du champ,
S’il devenait de sable, ou d’azur, ou d’argent ?
Du cercle, l’héraldique est parfois quadrature !
Jardin du roi
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En ce royal jardin pousse une verte treille,
Non loin de celle-ci, un vigoureux pommier ;
Le monarque n’y fait rien de plus qu’un ramier,
Car ici, c’est un coin où nul ne le surveille.
Si le désir d’agir au fond de lui s’éveille,
Il se met à sa table, il ouvre son plumier ;
Ou bien, il peut poser des pions sur un damier,
En savourant d’abord une pomme vermeille.
Une averse le fait rentrer dans son manoir,
Ou même, simplement, le ciel qui devient noir ;
Jamais il n’entreprend d’affronter la nature.
Ses aimables sujets se montrent indulgents,
Car il fait tout cela sans coûter trop d’argent ;
Puis il reçut du Ciel l’auguste mandature.