L’Arbre qui boit du vin
L’arbre qui boit du vin
aime qu’on dorme dans son ombre
comme les cerfs et les lapins
nourris de thym et de concombresL’arbre qui boit du vin
est un fameux camarade
bon pour le soir et le matin
et tous les jours en cavalcadeL’arbre qui boit du vin
ce matin nous a dit
Pas besoin d’être devin
ce n’est pas tous les jours mardiL’arbre qui boit du vin
Le verse à la terre entière
Il n’est pas bête il est malin
et son ombre sera la dernièreEt son ombre sera la dernière
sur la terre s’il en est encore
et sur la mer et sur la terre
à l’instant de la dernière aurore.
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Robert DESNOS
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l’Allemagne nazie. Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et... [Lire la suite]
C'est le comparse de la vigne.
Arbre immémorial
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L’arbre d’Eden, jamais on ne le taille ;
Aucun oiseau jamais n’y vient chanter,
Sauf le corbeau qui dit, vaille que vaille,
Les mots d’Edgar qu’il sait bien réciter.
Cet arbre-là n’est pas une antiquaille,
Ça fait longtemps, certes, qu’on l’a planté,
Siècles de paix et siècles de batailles ;
Mais son grand âge est en bonne santé.
En ce jardin ne survient plus de guerre,
Le père Adam n’est plus sur cette terre ;
Même on n’a pas gardé son cabanon.
L’arbre est magique et connaît plusieurs choses,
Il comprend mieux les effets que les causes ;
Les fils d’Adam ne savent plus son nom.
Arbre de Rémus
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Arbre témoin de la dignité feinte
D’un noir destin en grandeur déguisé,
J’ai vu la haine un despote embraser ;
J’ai vu la vie au pied des murs éteinte.
Rémus tomba sans former nulle plainte :
De sacrilège il était accusé,
De se soumettre il avait refusé
En profanant le tracé de l’enceinte.
Or, mon feuillage est porteur de sa voix
Que sur la plaine on entend quelquefois ;
Je suis chargé d’une éternelle peine.
Je l’aimais bien, cet homme qui chantait,
Lui que nul dieu jamais ne démentait ;
Roi Romulus, ton ire fut bien vaine.
Vigne de la duchesse Aliénor
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Voici la vigne, elle attend qu’on la taille,
C’est le matin, j’entends le coq chanter ;
Voici venir le vigneron qui bâille
Sur son chemin rarement fréquenté.
Au champ voisin se promènent des cailles,
Un peu plus loin, des bouleaux sont plantés ;
Deux ou trois fleurs poussent dans la rocaille,
Nous admirons leurs reflets argentés.
Un paysan ne se repose guère,
Dure est la tâche et bien basse est la terre ;
Arrêtons-nous pour boire au cabanon.
Faire du vin, c’est une bonne chose,
Notre duchesse a plaidé cette cause
Pour l’Aquitaine et pour son grand renom.
Arbre serpentivore
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Par cet arbre est du lieu la défense assurée,
Un serpent près de lui ne survit pas longtemps ;
Il l’avale, et voilà, tout le monde est content,
Le jeu du tentateur est de courte durée.
Or, ces reptiles sont des bêtes obstinées,
Ce qui est impossible est pour eux exaltant ;
L’histoire se prolonge et se va répétant,
Telle est leur vocation, telle est leur destinée.
Ils veulent contester la loi qui vient des cieux,
Car un pareil précepte est injuste à leurs yeux ;
Ils cultivent ainsi l’esprit de résistance.
Même quand l’un des leurs a péri, foudroyé,
Leur bel entêtement ne put être broyé ;
Les reptiles d’Eden ont bien trop de constance.
Arbre du barde
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Au village gaulois vit un rhapsode sombre,
Son chant reste imparfait mais pourtant, nous l’aimons ;
En ses vers nul ne doit chercher un sens profond,
Il sera pour toujours un écrivain de l’ombre.
Sur les branches d’un arbre est posée sa maison,
D’oiseaux dans la ramure on peut voir un grand nombre ;
Cette demeure est vaste et de rien ne s’encombre,
Ce fier chanteur me semble un être de raison.
Notre homme rarement se met martel en tête,
Ni son arbre ni lui ne craignent les tempêtes.
Sauf peut-être le toit, de chaume recouvert.
Quand se pose un hibou sur la plus haute branche,
Le barde pour lui chante, et pour la lune blanche ;
Les mots que l’on entend forment quatorze vers.
Arbre et serpent
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Celle qui par le fruit fut faite pécheresse,
Quels mots de Gabriel pourront la consoler ?
Ils sont partis au loin, primates affolés,
Le noir serpent s’en moque et j’y songe sans cesse.
Parmi leurs descendants, des princes, des princesses,
Des poètes subtils, de gloire auréolés,
Mais d’autres souffriront, perdus, déboussolés ;
Pourront-ils transcender leur humaine bassesse ?
Hommes, n’écoutez point cette triste chanson,
Savourez donc plutôt les rires des buissons ;
Cultivez sagement votre terre natale.
Je ne suis, après tout, qu’un vieil arbre pensant ;
J"ai vécu trop longtemps, j’attends l’issue fatale,
Seul en ce grand jardin qui n’est plus très passant.
Oiseau dégustateur
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J’aime plonger mon bec dans le jus de la treille,
Mais rares sont les gens qui m’ouvrent leur cellier ;
Rien ne sert que je sois parmi leurs familiers,
Ni que de mon oeil rond je lorgne une bouteille.
J’aime mieux du bon vin que le miel des abeilles,
Ou que les aliments des moines réguliers ;
Je ne dédaigne pas les fruits sur l’espalier,
Ni les morceaux de pain tombés de la corbeille.
Je ne bois pas souvent, que veut-on que j’y fasse ?
J’accepte le réel sans faire la grimace ;
Ce qu’on ne peut avoir, ça ne me manque pas.
Je ne fais pas d’efforts pour qu’un poème en sorte,
Si le scribe s’y met, je marche dans ses pas ;
Surtout quand il me verse un peu de boisson forte.
Arbre précurseur de la croix
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L’âme des végétaux est au destin soumise,
Affrontant les tourments sans craindre la douleur ;
Les arbres abattus au pie des autres gisent,
Je ne sais pas s’ils ont le souvenir des fleurs.
Ce qu’ils pensent de nous, jamais ils ne le disent,
N’ayant point le souci de se mettre en valeur ;
L’un d’entre eux se souvient d’une antique traîtrise,
Il n’a pas oublié le reptile enjôleur.
La Dame fut tentée par la pomme vermeille
Dont les parfums valaient ceux du miel des abeilles ;
Alors survint pour nous le temps du désespoir.
De l’arbre, on fit la Croix, pire qu’une potence
Mais qui fut l’instrument de notre renaissance ;
Car ce jour a marqué la fin des siècles noirs.
Arbre précurseur de la croix ----- retouche
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L’âme des végétaux est au destin soumise,
Affrontant les tourments sans craindre la douleur ;
Les arbres abattus au pied des autres gisent,
Je ne sais pas s’ils ont le souvenir des fleurs.
Ce qu’ils pensent de nous, jamais ils ne le disent,
N’ayant point le souci de se mettre en valeur ;
L’un d’entre eux se souvient d’une antique traîtrise,
Il n’a pas oublié le reptile enjôleur.
La Dame fut tentée par la pomme vermeille
Dont les parfums valaient ceux du miel des abeilles ;
Alors survint pour nous le temps du désespoir.
De l’arbre, on fit la Croix, pire qu’une potence
Mais qui fut l’instrument de notre renaissance ;
Car ce jour a marqué la fin des siècles noirs.
Arbre intemporel
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Arbre qui de Chronos l’emprise désamorce,
D’un monde parallèle il sut franchir le seuil ;
Ce puissant végétal n’en tire aucun orgueil,
Tu ne le verras point se vanter de sa force.
Nul ver ne se nourrit de la chair de son torse,
Nul champignon pervers ne le mène au cercueil ;
Jamais aucun corbeau ne portera son deuil,
Aucun castor glouton ne mordra son écorce.
Je n’ai jamais connu cet autre firmament ;
Aristote, d’ailleurs, en parle rarement,
Les touristes non plus n’y vont pas, même en rêve.
La lune vient parler, certains soirs, avec lui,
Perdus dans cet échange ils traversent la nuit ;
Or, bien qu’intemporel, il trouve la vie brève.
Sur la croix
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Tu leur donnas ton fils, Maître de l’univers,
De son sang répandu cette croix se macule ;
Elle est du même bois que le bûcher d’Hercule,
De chênes qui ont vu leur centaine d’hivers.
Nul poète latin n’y consacra des vers,
Mais parmi le bon peuple une chanson circule ;
Trois modestes couplets, les rimes s’y bousculent,
Le rythme, cependant, marche un peu de travers.
Mémoire du public, romantique folklore,
De tes mille récits notre âme se colore ;
La rue te sert d’école et d’université.
Dure est du Créateur la fibre paternelle ;
Celle-ci ne doit point notre ire susciter,
Au Fils nous demandons l’indulgence éternelle.
Arbres du roi
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Trois arbres ont poussé dans une cour carrée,
Plantés par mon grand-père, il y a bien longtemps ;
Ils furent de ma part l’objet de soins constants,
Leur croissance par rien ne fut contrecarrée.
Leurs dryades, vois-tu, elles sont délurées,
Avec elles je vis des moments épatants ;
Je n’en abuse point, car je n’ai plus vingt ans,
Les efforts que je fais sont de courte durée.
Elles sont courtisées par un trio de dieux
Qui sont plus dessalés que les anges des cieux ;
Avec ceux-là, c’est bref, c’est ardent, c’est intense.
Un démon d’inframonde ici s’est fourvoyé,
Lequel a vainement son charme déployé ;
Pour elles, ces gaillards sont de peu d’importance.
Auprès de cet arbre
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Cet arbre ne dit rien, cela n’a rien d’étrange,
Il n’est pas babillard, ce n’est pas un serin ;
Son âme est sans tourment, son coeur reste serein,
En guise de dryade il abrite un archange.
Il n’est guère affecté par les saisons qui changent,
Même un feu de forêt, je ne sais s’il le craint ;
La fille du dieu Pan, drôlesse aux pieds caprins,
Cherchant à le charmer, ses blonds cheveux arrange.
Un botaniste vint des plus lointains confins,
Ayant passé la mer sur le dos d’un dauphin ;
Par cet aventurier la drôlesse est ravie.
L’arbre en ses souvenirs la revoit chaque jour
Et cela peut durer tout au long de sa vie ;
Mais il ne dira rien de ces brèves amours.
Auprès d’un autre arbre
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Dans l’ombre des rameaux
Croissent les jeunes pousses ;
Viennent les brises douces,
Voici le renouveau.
Un faune dit trois mots
À la dryade rousses ;
Ces deux-là, sur la mousse,
Grignotent un morceau.
L’elfe dans la prairie
S’agite, saute et crie ;
Il rêve d’un tournoi.
Une coupe à ses lèvres,
Du miel sur tous ses doigts,
Il danse avec le lièvre.
Deux écureuils
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Nous sommes plus beaux que des morses,
Nous sommes deux fiers écureuils ;
De l’arbre nous sommes l’orgueil,
Nous sommes garants de sa force.
La dryade n’est point retorse,
Elle qui nous voit d’un bon oeil ;
Nous ne rencontrons nul écueil
En grimpant à la rude écorce.
Nous sommes fils du firmament ;
D’Artémis nous fûmes amants,
Nous la revoyons dans nos rêves.
Le diable en nous voyant s’enfuit
Et court se perdre dans la nuit ;
Nous entendons sa plainte brève.
Monstre sylvestre
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J’ai soif auprès de la fontaine,
J’hésite à boire au long du jour;
Je songe à de vaines amours,
Ainsi qu’à la faiblesse humaine.
Je médite à l(ombre d’un chêne,
Je me sens de plus en plus lourd ;
Je tremble, j’ai le souffle court,
Je dois vivre avec cette peine.
Mon âme s’en prend à mon corps,
Elle le confronte à sa mort ;
Elle plaisante, ce me semble.
Sans raison, je reste en ce lieu,
Loin des hommes et loin des dieux ;
Ma mémoire se désassemble.
Arbre noir
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L’arbre qu’ont connu mes ancêtres,
Il est noir, été comme hiver :
Selon les lois de l’univers
C’est bien ainsi qu’il devait être..
Cet arbre n’a ni Dieu ni maître
Et c’est là son moindre travers ;
Tous ceux qui voudraient qu’il fût vert,
Il a su les envoyer paître.
Tu ne feras rien de son bois
Il en est de meilleurs, crois-moi ;
Choisis plutôt le sycomore.
Ce bois noir dont rien tune fais,,
C’est un trésor, et plus encore ;
Il est inutile et parfait.