L’Amateur de poèmes
Si je regarde tout à coup ma véritable pensée, je ne me console pas de devoir subir cette parole intérieure sans personne et sans origine ; ces figures éphémères ; et cette infinité d’entreprises interrompues par leur propre facilité, qui se transforment l’une dans l’autre, sans que rien ne change avec elles. Incohérente sans le paraître, nulle instantanément comme elle est spontanée, la pensée, par sa nature, manque de style.
Mais je n’ai pas tous les jours la puissance de proposer à mon attention quelques êtres nécessaires, ni de feindre les obstacles spirituels qui formeraient une apparence de commencement, de plénitude et de fin, au lieu de mon insupportable fuite.
Un poème est une durée, pendant laquelle, lecteur, je respire une loi qui fut préparée : je donne mon souffle et les machines de ma voix ; ou seulement leur pouvoir, qui se concilie avec le silence.
Je m’abandonne à l’adorable allure : lire, vivre où mènent les mots. Leur apparition est écrite. Leurs sonorités concertées. Leur ébranlement se compose, d’après une méditation antérieure, et ils se précipiteront en groupes magnifiques ou purs, dans la résonance. Même des étonnements sont assurés : ils sont cachés d’avance, et font partie du nombre.
Mû par l’écriture fatale, et si le mètre toujours futur enchaîne sans retour ma mémoire, je ressens chaque parole dans toute sa force, pour l’avoir indéfiniment attendue. Cette mesure qui me transporte et que je colore, me garde du vrai et du faux. Ni le doute ne me divise, ni la raison ne me travaille. Nul hasard, — mais une chance extraordinaire se fortifie. Je trouve sans effort le langage de ce bonheur ; et je pense par artifice, une pensée toute certaine, merveilleusement prévoyante, — aux lacunes calculées, sans ténèbres involontaires, dont le mouvement me commande et la quantité me comble : une pensée singulièrement achevée.
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Paul VALÉRY
Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry est un écrivain, poète, philosophe et épistémologue français, né à Sète (Hérault) le 30 octobre 1871 et mort à Paris le 20 juillet 1945. Né d’un père d’origine corse et d’une mère génoise, Paul Valéry entame ses études à Sète (alors orthographiée Cette) chez les... [Lire la suite]
Le poème est un miracle
Qui par surprise survient
Dans le gris du quotidien
Le poème est un oracle
Le poème est un labeur
Ce sont des phrases qu'on lime
Pour que leur ton soit sublime
Sans épargner la sueur
Le poème est une danse
Devant le peuple attentif
Parfois même un peu craintif
Qui nous écoute en silence
Le poème est un voyage
Au travers de nos esprits
Où plus d'un démon qui rit
Aimerait faire un ravage
D'un poème on dit adieu
A la personne qu'on aime
Et qui entend ce poème
En maudissant tous les dieux