Poème 'L’affaire qui vous glace les sens' de ATOS

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L’affaire qui vous glace les sens

ATOS

Lorsque l’on se trouve exposé à être un peintre, il faut parfois savoir, devant un certain public, se mettre sur le côté de son œuvre, ne serait ce qu’un instant.

Car il est un public, qui, dès sa première mitose se voit affligé non seulement de cécité de l’âme mais également de surdité extérieur.
Son silence intérieur est tellement présent qu’il exerce sur les tympans de son esprit une pression telle qu’il vous tiendrait tête et,cela même, face à ses propres vents.
Ce public, car il est tout à son bonheur, gesticule et prononce des sons qu’il serait tout à fait incapable de vous expliquer.
L’inspiration n’appelle pas forcement le génie, parfois même, elle se termine lorsqu’il expire.
Il est de ces choses que ce public ne s’expliquera jamais.

L’artiste est courtois. Aimable parfois. Du moins, l’artiste qui est là.
Car celui qui ne veut pas l’être se reconnaît très distinctement des autres.
C’est simple : il ne vient pas.

Quand l’artiste- qui est là – et ce public en viennent à se rencontrer, rester devient accessoire. Vous risquez alors de faire partie du décor.
Que vous restiez ou que vous fuyez, vous savez à coup sûr qui se fera mâcher.
Des artistes il se peut parfois qu’on en tire de bons papiers. Mais cela n’est pas toujours vrai.
Parfois il vous vient le goût malsain d’observer. Manœuvre tout à fait auto satisfaisante. Vous restez uniquement pour que vous puissiez vous dire : « Ah je le savais ! » Et tout occuper au créneau de cette jouissive pensée, vous vous fondez dans le décor.
Enfin vous voilà placé !. Pour un soir, je stationnais.

L’heure n’avait rien de tardive. Je veux dire qu’aucun débordement alcoolique n’était encore perceptible. Les invités était publics et l’artiste ne voulait pas sans priver.
L’artiste se tenait près de son œuvre tout affairé à cacher sa fierté,- oui il est parfois très bien vu de jouer à ce jeu. «  je ne veux pas être qui voilà »-
Mais voilà sa fierté était tellement énorme quelle en vint à le cacher.
C’est ainsi qu’il en vint à ne plus être reconnu.

Une dame alors s’approcha de son oeuvre, et faisant tourner sa coupe entre ses doigts déliés , s’écria :
« Mon Dieu que cela est laid. »
Dieu ne pouvant être tenu responsable de tout, cette remarque s’adressa donc à l’artiste.
Dieu était comme bien souvent retenu ailleurs pour plus ample dédicace, son livre rencontrant tout le succès qu’il lui plaisait d’en escompter.

L’artiste, qui est là, est parfois distrait de son jeu et redevient un peu malin.
S’approchant de l’épaule de la dame, il lui susurre …: « En effet. »

C’est étrange comme ces deux mots prennent pour certaines personnes une valeur d’invitation.
Deux mots suffisent pour qu’ils se mettent en chasse.
Au peintre, cela ne devait pas lui échapper.
Et là, la dame, non contente d’avoir utilisé un mot sur lequel je refuserais moi même de m’étendre, à savoir : La laideur, fit l’inventaire du désordre visuel qu’elle venait de pointer.

Tout fut passé en revue : forme, profondeur, structure, intention, dimension, relief, couleurs, lignes, concept, maîtrise, perspective, force, j’en trépasse et des laideurs. Elle connaissait bien son chapitre et nous fûmes il est vrai très soulagés lorsque le dernier tome fut refermé.

L’artiste la laissa finir son exposé, puisqu’il avait « en effet » scellé un pacte que la dame croyait être d’amitié.

Marquant un temps, cela afin de poser un peu sa fierté et de réajuster l’arme à ses dents , il pencha la tête et lui confia :

« C’est vrai quitte à faire un miroir, l’artiste aurait pu le faire joliment plus grand. J’aurai ainsi eu plaisir de nous voir, vous et moi, chère madame, nous mirer ensemble dedans.
Tant il vrai que l’on partage très facilement son dégoût. Le goût, lui, n’étant, convenons en, qu’affaire de certains tempéraments. »

Courtois, aimable et à raison présent, l’artiste reprit à son habitude son jeu coupablement.
La dame, pour sa part, réajusta ses beaux rubans et sourit à l’oeuvre un peu confusément.
Quant à nous, sortons du décor, voulez vous et cela prudemment.

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