La Ville
Se heurter à la foule et courir par les rues,
Saisi en plein soleil par l’angoisse et la peur,
Pressentir le danger, la mort et le malheur,
Brouiller sa piste et fuir une ombre inaperçue,C’est le sort de celui qui, rêvant en chemin,
S’égare dans son rêve et se mêle aux fantômes,
Se glisse en leur manteau, prend leur place au royaume
Où la matière cède aux caresses des mains.Tout ce monde est sorti du creux de sa cervelle.
Il l’entoure, il le masque, il le trompe, il l’étreint,
Il lui faut s’arrêter, laisser passer le train
Des créatures nées dans un corps qui chancelle.Nausée de souvenirs, regrets des soleils veufs,
Résurgence de source, écho d’un chant de brume,
Vous n’êtes que scories et vous n’êtes qu’écume.
Je voudrais naître chaque jour sous un ciel neuf.
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Robert DESNOS
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l’Allemagne nazie. Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et... [Lire la suite]
Ville, veux-tu nourrir un peuple de fumées ?
De vapeurs envenimées ?
Pourquoi nous fermes-tu ainsi les horizons?
Qui a coupé tous les buissons ?
Ville, veux-tu distraire un peuple avec l'ennui ?
Pourquoi d'aussi sombres nuits ?
Pourquoi orner ton ciel d'une couronne noire
D'un inframonde évocatoire ?
Ville, nous comprenons que tu deviens démente,
Que ton âme fermente,
Que ton esprit se voile ;
Le fils du charpentier, sur tes porches sculpté,
Ne se reconnaît plus dans cette humanité
Qui ne veut plus d'étoiles.
Porte d’une ville morte
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Admirable fut la cité,
Mais je n’y trouve plus personne ;
D’observer cela, je m’étonne,
Ce sort ne fut pas mérité.
C’étaient des gens sans vanité,
Eux qui respectaient la Couronne ;
Ce qui leurs ruines environne,
C’est le désert, en vérité.
Nous n’en ferons pas un roman,
Car notre plume maladroite
Ne suit que des pistes étroites.
Il reste quelques monuments
Dont une porte, belle et bonne,
Toute en pierre de Carcassonne
Très loin des murs de Carcassonne,
Je suis allé vivre en Essonne
Où je ne connaissais personne.
Héraldique presque municipale
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D’un blason s’honore la ville,
D’un emblème des mauvais jours ;
Il ne s’orne d’aucune tour
Mais d’un poulet, c’est trop débile.
Qui nous dira par quel mobile
Agit l’héraldiste balourd ?
Voulut-il avoir de l’humour ?
Déversa-t-il son atrabile ?
Quand je dis ce blasonnement,
Je m’étouffe, tout bonnement,
Ne riez pas de moi, vous autres.
Cependant, faut-il s’énerver ?
Mieux vaut le calme conserver,
Riez donc, je bois à la vôtre.
Rencontres
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Ce manoir en mai
Reçoit de rares visites,
L'accueil est joyeux.
Fauves titrés
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Ces deux-là sont comte et vicomte,
Mais peu de gens s'en rendent compte,
On croit plutôt voir des bouffons,
Car des sornettes ils racontent.
Porte des faubourgs
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Vers des quartiers déshérités
S’ouvre une porte belle et bonne ;
J’entends le gardien qui marmonne
Semble-t-il, des insanités.
Ces environs de la Cité
S’appellent « Petite Couronne » ;
Ce sont endroits que l’on bétonne,
Ce sont des lieux d’opacité.
Ce sont de vastes bâtiments,
Ce sont des avenues bien droites ;
Mais j’aime mieux mes rues étroites.
Je vais donc rester prudemment
Dans mes vieux murs, où ma personne
À des futilités s’adonne.