La vie antérieure
J’ai longtemps habité sous de vastes portiques
Que les soleils marins teignaient de mille feux
Et que leurs grands piliers, droits et majestueux,
Rendaient pareils, le soir, aux grottes basaltiques.Les houles, en roulant les images des cieux,
Mêlaient d’une façon solennelle et mystique
Les tout-puissants accords de leur riche musique
Aux couleurs du couchant reflété par mes yeux.C’est là que j’ai vécu dans les voluptés calmes,
Au milieu de l’azur, des vagues, des splendeurs
Et des esclaves nus, tout imprégnés d’odeurs,Qui me rafraîchissaient le front avec des palmes,
Et dont l’unique soin était d’approfondir
Le secret douloureux qui me faisait languir.
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Charles BAUDELAIRE
Charles Pierre Baudelaire est un poète français, né à Paris le 9 avril 1821 et mort le 31 août 1867 à Paris. Il est l’un des poètes les plus célèbres du XIXe siècle : en incluant la modernité comme motif poétique, il a rompu avec l’esthétique classique ; il est aussi celui qui a popularisé le poème en... [Lire la suite]
Ornithologie reptilienne
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Je vole au-dessus des portiques,
Mes yeux brillent de mille feux,
Je suis courbe et majestueux,
Je viens des grottes basaltiques.
Je suis à l’image des cieux,
Je suis un grand serpent mystique ;
Je suis sourd à toute musique
Car ma puissance est dans mes yeux.
Je vis dans la volupté calme,
Je suis nourri de ma splendeur
Ainsi que de milliers d’odeurs,
Mon corps s’abrite sous les palmes :
Dans l’ombre, j’aime approfondir,
Humains, ce qui vous fait languir.
Enfance
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J’ai très longtemps vécu dans les siècles bibliques
Près des filles de Loth avec le vieux Noé ;
Et, s je ne fus pas le Daphnis de Chloé,
De Sodome et Lesbos je connus les pratiques.
Messaline et Vénus furent mes deux nourrices
Et je fus élevé dans l’ombre d’un sérail.
Des eunuques pansus, en rêvant à leurs vices,
Me caressaient les doigts avec leur éventail.
Les femmes du harem, lubriques et farouches,
Me livraient le secret de leurs lascives bouches
Au parfums d’Arabie et des îles Chanel ;
La houle balancée en des rythmes funèbres
Me donnait le regret de ces calmes ténèbres
0ù j’ai toujours veillé d’un sommeil éternel.