La Vie
Il faut admirer tout pour s’exalter soi-même
Et se dresser plus haut que ceux qui ont vécu
De coupable souffrance et de désirs vaincus :
L’âpre réalité formidable et suprême
Distille une assez rouge et tonique liqueur
Pour s’en griser la tête et s’en brûler le coeur.Oh clair et pur froment d’où l’on chasse l’ivraie !
Flamme nette, choisie entre mille flambeaux
D’un légendaire éclat, mais d’un prestige faux !
Dites, marquer son pas dans l’existence vraie,
Par un chemin ardu vers un lointain accueil,
N’ayant d’autre arme au front que son lucide orgueil !Marcher dans sa fierté et dans sa confiance,
Droit à l’obstacle, avec l’espoir très entêté
De le réduire, à coup précis de volonté,
D’intelligence prompte ou d’ample patience
Et de sentir croître et grandir le sentiment
D’être, de jour en jour, plus fort, superbement.Aimer avec ferveur soi-même en tous les autres
Qui s’exaltent de même en de mêmes combats
Vers le même avenir dont on entend le pas ;
Aimer leur coeur et leur cerveau pareils aux vôtres
Parce qu’ils ont souffert, en des jours noirs et fous,
Même angoisse, même affre et même deuil que nous.Et s’enivrer si fort de l’humaine bataille
- Pâle et flottant reflet des monstrueux assauts
Ou des groupements d’or des étoiles, là-haut -
Qu’on vit en tout ce qui agit, lutte ou tressaille
Et qu’on accepte avidement, le coeur ouvert,
L’âpre et terrible loi qui régit l’univers.
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Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Vêpres
- Le clair jardin c'est la santé
- Sois-nous propice et consolante encor...
- Les Meules qui Brûlent
- Si d'autres fleurs décorent la maison
- S'il était vrai
- Lorsque s'épand sur notre seuil la neige...
- La glycine est fanée et morte est...
- Que nous sommes encor heureux et fiers de...
Un joyeux barde écrivit sur lui-même,
Sur ce qu'il fit et sur ce qu'il vécut,
Sur les malheurs qui parfois l'ont vaincu,
Et sur ses lois et principes suprêmes.
Bien fréquemment, il a l'air d'un moqueur,
Mais sans jamais parler comme un truqueur.
D'autres rimeurs ont récolté l'ivraie
Au clair de lune, ou sous mille flambeaux.
Mais lui ne sait moissonner à la faux,
C'est un glaneur vêtu de larges braies
Qui de l'auberge attend le simple accueil
Sans se presser, sans un gramme d'orgueil.
Faire à chacun totale confiance,
Être obstiné, mais sans être entêté,
Et n'imposer jamais sa volonté :
Ce sont les trois formes de patience
Qui ont guidé esprit et sentiment
De ce chercheur, progressant sobrement.
S'imaginer dans le regard des autres,
Fort bien s'armer, fuyant tous les combats,
Tester le sol, surtout, à chaque pas :
Ce sont les trois prudences qui sont nôtres,
Ces six moyens sont sagesse de fou,
Si vous voulez, vous ferez comme nous.
Un érudit voulut livrer bataille
À ce vieux texte, et passer à l'assaut.
Notre cher Maître est parfois un peu sot.
Il est confus, il bafouille, il tressaille,
On sent qu'il est loin d'avoir découvert
La grande loi qui régit l'univers.
La sottise fait de l'homme sa faiblesse,
La faiblesse fait de l'homme sa nature
La nature fait de l'homme sa paresse ?
La paresse fait de l'homme sa parure
La parure fait de l'homme sa force ?
La force fait de l'homme sa ....
Le maître est sot alors il n'est pas maître,
L'homme n'est pas parfait
S'il était parfait - L'homme se serait plus rien -
Voir
https://paysdepoesie.wordpress.com/2013/11/06/fragments-dun-manuscrit-perdu/