La Tour de Nesle
- » Valet de trèfle ! » – » Dame de pique ! de gagne ! » -
Et le soudard qui perdait envoya d’un coup de poing sur
la table son enjeu au plancher.Mais alors messire Hugues, le prévôt, cracha dans le bra-
sier de fer avec la grimace d’un cagou qui a avalé une
araignée en mangeant sa soupe.- » Pouah ! les chaircuitiers, échaudent-ils leurs cochons
à minuit ? Ventre-dieu ! c’est un bateau de feurre qui
brûle en Seine ! »L’incendie, qui n’était d’abord qu’un innocent follet
égaré dans les brouillards de la rivière, fut bientôt
un diable à quatre tirant le canon et force arquebusades
au fil de l’eau.Une foule innombrable de turlupins, de béquillards, de
gueux de nuit, accourus sur la grève, dansaient des gigues
devant la spirale de flamme et de fumée.Et rougeoyaient face à face la tour de Nesle, d’où le
guet sortit, l’escopette sur l’épaule, et la tour du
Louvre d’où, par une fenêtre, le roi et la reine voyaient
tout sans être vus.
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Aloysius BERTRAND
Louis Jacques Napoléon Bertrand, dit Aloysius Bertrand est un poète, dramaturge et journaliste français, né le 20 avril 1807 à Ceva (Piémont), mort le 29 avril 1841, à dix heures du matin, à l’hôpital Necker de Paris. Considéré comme l’inventeur du poème en prose, il est notamment l’auteur d’une œuvre... [Lire la suite]
je ne voie pas de commentaire de texte!!!!!!
Tour ésotérique
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En la tour se produit un mystère subtil
Sur lequel, cependant, je ne peux rien écrire ;
Et prenez garde à ceux qui vous l’offrent à lire,
Dont le coeur et l’esprit sont pervers, semble-t-il.
Ils disent qu’un miracle est un poisson d’avril,
Ils goûtent le sacré, mais ils ne font qu’en rire,
Mêlant dans leurs propos le meilleur et le pire ;
Eux qui de la magie font un commerce vil.
Laissez-les s’égarer dans leur vaine risée
Qui en grande sagesse est bien mal déguisée ;
Car d’un projet stupide, ils sont les techniciens.
Lisez donc des anciens les discours véritables,
Sans oublier d’avoir bouteille sur la table ;
Ainsi vous monterez au ciel platonicien.
Tour et scriptorium
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En la tour vénérable est un scribe subtil
Qui tout au long du jour traduit «L’Enfer» de Dante;
Il boit le vin qu’apporte une jeune servante
Dont le regard est vif derrière ses longs cils.
« Relisez mon travail, Jeannette, lui dit-il,
Pour moi votre opinion est vraiment importante;
Car vous pouvez juger cet exploit que je tente
Et lire cet écrit sans en perdre le fil. »
« Jadis j’offrais à boire à la table du roi,
Mais ma nouvelle place est mieux faite pour moi ;
Je n’ai regret des ducs ni des grands personnages. »
Ils ont ainsi parlé, puis le soir est venu
Chez eux comme un voleur, à petits pas menus,
L’oeuvre de la journée fut à peine trois pages.
Cuisine interne
On peut le reconnaitre à son style subtil,
Comparable à celui d’Alighieri Dante,
En ce sens que la rime est aussi sa servante,
Mais entre leurs talents, il y a plus qu’un cil.
Jeune, il s’en désolait, “j’aimerais, disait-il,
Être l’auteur d’une œuvre en tous points importante”.
Désormais, de ses vers, nombreux, il se contente,
Dès lors que grâce à eux, il reste sur son fil ;
Si, des prix littéraires, il est loin d’être roi,
L’homme ne tombe pas dans ce vide d’émois,
Qui fut déjà fatal à bien des personnages.
Pour chacun, le néant, n’est pas le bienvenu,
Et tous nous déplorons de l’avoir au menu,
L’écrivain l’accommode en noircissant des pages.
Tour de Carabas
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Je m’orne du portrait d’un prédateur subtil,
Ce chat qui déployait des ruses étonnantes ;
Or, une fois vaincu l’ogre à la voix tonnante,
Aucun autre agresseur ne le mit en péril.
Au cellier du château sont d’énormes barils,
Mais ce félin s’abstient des boissons enivrantes ;
Il n’est pas amateur d’images délirantes,
Il ne veut pas trinquer avec des êtres vils.
Il est le confident de la fille du roi,
Il marche à ses côtés dans l’ombre des grands bois ;
Il ne se prend jamais pour un grand personnage.
Il s’est assez souvent du moulin souvenu
Où il donnait la chasse à des rongeurs menus ;
Lui-même et son bon maître ont tourné cette page.
Ogre réincarné
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J'étais grand seigneur ;
Mais, devenu petit chat,
Je suis bien plus fort.
Roi de sinople
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Gouverner, selon moi, c’est un jeu très subtil,
Étrange acrobatie, jonglerie fascinante ;
Je me garde toujours d’une gaffe imminente,
Moi qui n’ai jamais mis le royaume en péril.
Des Dames de la Cour j’ignore le babil,
J’observe de très loin leurs manières charmantes ;
Celles qui disent vrai, comme celles qui mentent,
.De mes calculs, leurs mots me font perdre le fil.
C’est un pesant fardeau que ce métier de roi,
Il faut gérer la caisse et connaître les lois ;
Tu dois être content d’échapper à tout ça, petit page.
Laissant délibérer les ministres chenus,
Nul compte je ne tiens de leurs plans saugrenus ;
Je préfère écouter les bergers des alpages.
Fille du roi
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Notre roi sur son pont
Entend parler sa fille ;
Ce père de famille
Sagement lui répond.
Il voudrait être bon
Comme un soleil qui brille :
Gentiment il babille,
Toujours elle dit « Non ».
Il voudrait être ferme
Et dans la tour l’enferme
Afin de l’avertir.
Dans cette chambre basse
Il croit qu’elle trépasse ;
Il tombe en repentir.
« Quia nominor Leo »
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Point ne suis un cochon,
Ni chef de leur famille ;
Je suis l’astre qui brille,
Montant de l’horizon.
Je suis grand, je suis bon,
Plus fort que le gorille ;
Les seigneurs de Castille
Font honneur à mon nom.
Je suis doux, je suis ferme,
Mon robuste épiderme
Sait bien me revêtir.
Jamais la pensée basse
En ce grand coeur ne passe
Ni n’en pourra sortir.
Les ducs de Blanquefort
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Ces grands seigneurs, dans leur donjon,
Vident leurs verres en famille ;
Dans le champagne qui pétille
Ils découvrent des horizons.
« Blanquefort » est le noble nom
Dont leur identité s’habille ;
Plus fiers que des grands de Castille,
Ils portent un vaillant blason.
Aux alentours sont des cultures,
Des églises, des sépultures ;
Un charmant pays, sans mentir.
Les ducs vont parfois à la chasse
À la biche ou à la bécasse,
Mais ils ratent souvent leur tir.
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Le poète voit
Les spirales de néant,
Il n’en pense rien.
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