La tornade
Le temps que le sénateur s’aperçut que la tornade était assise dans son assiette
et la tornade était dans l’air fourrageant dans Kansas-City
Le temps que le pasteur aperçut la tornade dans l’oeil bleu de la femme du shériff
et la tornade fut dehors faisant apparaître à tous sa large face
puant comme dix mille nègres entassés dans un train
le temps pour la tornade de s’esclaffer de rire
et la tornade fit sur tout une jolie imposition de mains de ses belles mains blanches d’ecclésiastique
Le temps pour Dieu de s’apercevoir qu’il avait bu de trop cent verres de sang de bourreau
et la ville fut une fraternité de taches blanches et noires répandues en cadavres sur la peau d’un cheval abattu en plein galop
Et la tornade ayant subi les provinces de la mémoire riche gravât
craché d’un ciel engrangé de sentences tout trembla
une seconde fois l’acier tordu fut retordu
Et la tornade qui avait avalé comme un vol de grenouilles son troupeau de toitures et de cheminées respira bruyamment une pensée que les prophètes n’avaient jamais su deviner.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Aimé CÉSAIRE
Aimé Fernand David Césaire, est un poète et homme politique français de Martinique, né le 26 juin 1913 à Basse-Pointe et mort le 17 avril 2008 à Fort-de-France. Il est l’un des fondateurs du mouvement littéraire de la négritude et un anticolonialiste résolu. Aimé Césaire faisait partie, d’une famille de sept... [Lire la suite]
Je ne comprends pas (et ne conçois pas) la raison pour laquelle vous avez coupé et tronqué ce poème dans ses passages les plus beaux. Je me permets de restituer l'intégralité du texte d'Aimé Césaire (et me permets d'ajouter que "gravat" ne porte pas d'accent circonflexe!).
"Le temps que
le sénateur s’aperçut que la tornade était assise dans son assiette
sur ses grosses fesses de betterave
et les rondelles de saucisson de ses cuisses
vicieusement croisées
et la tornade était dans l’air fourrageant dans Kansas-City
Le temps que
le pasteur aperçut la tornade dans l’oeil bleu de la femme du shériff
et la tornade fut dehors faisant apparaître à tous sa large face
puant comme dix mille nègres entassés dans un train
le temps pour la tornade de s’esclaffer de rire dans le sexe d'une putain
et la tornade fit sur tout une jolie imposition de mains de ses belles mains blanches d’ecclésiastique
Le temps pour Dieu de s’apercevoir qu’il avait bu de trop cent verres de sang de bourreau
et la ville fut une fraternité de taches blanches et noires répandues en cadavres sur la peau d’un cheval abattu en plein galop
Le temps pour la tornade d'écrire un roman policier et la tornade coiffée de son chapeau de cow-boy et la tornade s'empare de lui en lui criant HAUT LES MAINS de la grande voix creuse dont Dieu se sert pour parler aux poules - et tout tremble et la tornade tordit l'acier et les oiseaux tombaient foudroyés du ciel
Et la tornade ayant subi les provinces de la mémoire riche gravat
craché d’un ciel engrangé de sentences tout trembla
une seconde fois l’acier tordu fut retordu
Et la tornade qui avait avalé comme un vol de grenouilles son troupeau de toitures et de cheminées respira bruyamment une pensée que les prophètes n’avaient jamais su deviner"