La statue
Quand l’empire romain tomba désespéré,
– Car, ô Rome, l’abîme ou Carthage a sombré
Attendait que tu la suivisses! –
Quand, n’ayant rien en lui de grand qu’il n’eût brisé,
Ce monde agonisa, triste, ayant épuisé
Tous les Césars et tous les vices;Quand il expira, vide et riche comme Tyr;
Tas d’esclaves ayant pour gloire de sentir
Le pied du maître sur leurs nuques;
Ivre de vin, de sang et d’or; continuant
Caton par Tigellin, l’astre par le néant,
Et les géants par les eunuques;Ce fut un noir spectacle et dont on s’enfuyait.
Le pâle cénobite y songeait, inquiet,
Dans les antres visionnaires;
Et, pendant trois cents ans, dans l’ombre on entendit
Sur ce monde damné, sur ce festin maudit,
Un écroulement de tonnerres.Et Luxure, Paresse, Envie, Orgie, Orgueil,
Avarice et Colère, au-dessus de ce deuil,
Planèrent avec des huées;
Et, comme des éclairs sous le plafond des soirs,
Les glaives monstrueux des sept archanges noirs
Flamboyèrent dans les nuées.
Juvénal, qui peignit ce gouffre universel,
Est statue aujourd’hui; la statue est de sel,
Seule sous le nocturne dôme;
Pas un arbre à ses pieds; pas d’herbe et de rameaux
Et dans son oeil sinistre on lit ces sombres mots:
Pour avoir regardé Sodôme.Février 1843.
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Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
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Barde restant de marbre
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Je vois sombrer un empire
Et ne trouve rien à dire :
Ainsi va l'effort humain
Depuis le temps des Romains.
Toujours, le vainqueur s'enivre,
Car il ne saurait bien vivre :
Sobriété ? Qu'est ce mot ?
C'est affaire de chameau.
On ne les voit plus en ville,
Les cénobites tranquilles ;
Priape et tous ses gredins
Envahissent les jardins.
Or, Juvénal s'en souvient :
Tout ça ne finit pas bien.
Statue de sel, prends courage :
Suffit d'attendre l'orage.