La Prière
Mon rêve est simple : il est trop simple, ô mon enfant,
Peut-être, pour que toi qui m’aimes, le comprennes,
— Car les rêves qu’on fait au couvent sont de reines
Qui siègent près de rois dont l’air est triomphant. —Le soir, auprès du feu, quand il ferait du vent
Et que tout gémirait dans la forêt prochaine,
Dans un fauteuil fané d’antique bois de chêne
Nous écouterions fuir la bourrasque en rêvant.Et le globe laiteux et pâle de la lampe
Éclairant, ce tableau serait comme une estampe,
Une estampe très vague et faite au temps passé ;Et, quand minuit très lent sonnerait au village,
Je te joindrais les mains et comme une enfant sage
Tu dirais ta prière à mon cœur trépassé.
1889-1890.
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Francis JAMMES
Francis Jammes (prononcer [jam] et non [djèms]), né à Tournay (Hautes-Pyrénées) le 2 décembre 1868 et mort à Hasparren (aujourd’hui Pyrénées-Atlantiques) le 1er novembre 1938, est un poète français, également romancier, dramaturge et critique. Il passa la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays basque,... [Lire la suite]
Une paire de griffons
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Que feront les griffons pour nourrir leurs enfants ?
Du gibier des forêts, c’est rare qu’ils en prennent.
Vont-ils cueillir des fruits au jardin de la reine,
Ou vont-ils enlever le grand paon triomphant ?
Car jamais griffonneaux ne se vivent de vent,
Mais des parts de gibier de la friche prochaine,
À la rigueur, des glands que leur offre le chêne,
Des pendants de corail que l’on cueille en rêvant,
Ou des petits poissons que l’on pêche à la lampe,
Dont le peintre Keisai fit une belle estampe ;
Or, de repas, ce soir, devront-ils se passer ?
Mais non, car on tuait les cochons des villages,
Aussi, le maire offrit aux griffons de passage
Quelques morceaux choisis de ces chers trépassés.
Voir
https://paysdepoesie.wordpress.com/2016/06/20/une-paire-de-griffons/
ke sa ko de cheval !
La Très Simple Trinité
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Ces hypostases sont à portée de enfants,
Les polytechniciens eux-mêmes les comprennent ;
Toi qui es leur parente, ô Vierge Souveraine,
Tu sais que leur pouvoir est du mal triomphant.
Pour eux, point d’holocauste, ils se vivent de vent,
Ce sont de doux esprits qui personne n’enchaînent ;
Comme juge, aucun d’eux ne siège sous un chêne,
Les péchés des humains les font rire, souvent.
Dans la noire magie nullement ils ne trempent,
Ils ne demandent point que devant eux l’on rampe;
Ils n’oseraient jamais maudire un trépassé.
Protecteurs des hameaux, protecteurs des villages,
Ils sont fort indulgents pour les femmes volages,
Lesquelles fréquemment ce culte ont embrassé.
Bel oratoire
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Ici chantent des voix d’enfants,
Les anges du ciel les comprennent ;
Il se peut que ça te surprenne :
L’un d’eux sonne d’un olifant.
Leurs petits corps sont faits de vent,
Au monde rien ne les enchaîne ;
Leurs mots nous rappellent souvent
Que la fin du monde est prochaine.
Dans l’oratoire, aucune lampe ;
Parfois, d’étranges ombres rampent,
Ce sont celles des trépassés.
Les habitants de ce village
Ici ne sont jamais passés,
N’y point aller, ça les soulage.
... et je n'y vais pas non plus.
moi non plus car les fidèles cassent trop!!!