La pomme et l’escargot
Il y avait une pomme
A la cime d’un pommier;
Un grand coup de vent d’automne
La fit tomber sur le pré !Pomme, pomme,
T’es-tu fait mal ?
J’ai le menton en marmelade
Le nez fendu
Et l’oeil poché !Elle tomba, quel dommage,
Sur un petit escargot
Qui s’en allait au village
Sa demeure sur le dosAh ! stupide créature
Gémit l’animal cornu
T’as défoncé ma toiture
Et me voici faible et nu.Dans la pomme à demi blette
L’escargot, comme un gros ver
Rongea, creusa sa chambrette
Afin d’y passer l’hiver.Ah ! mange-moi, dit la pomme,
puisque c’est là mon destin;
par testament je te nomme
héritier de mes pépins.Tu les mettras dans la terre
Vers le mois de février,
Il en sortira, j’espère,
De jolis petits pommiers.
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Charles VILDRAC
Charles Vildrac, né Charles Messager le 22 novembre 1882 dans le 5e arrondissement de Paris et mort le 25 juin 1971 à Saint-Tropez, est un poète et dramaturge français. Il fonda avec Georges Duhamel le groupe de l’Abbaye, une expérience communautaire en bord de Marne ouverte aux artistes (1906-1908). Charles Vildrac naît au... [Lire la suite]
Tu vis dans les jardins, où je te vois errer.
Aucun désir violent ou sombre ne te hante.
Tu montes sur les murs de ton allure lente ;
Escargot, mon ami, je veux te célébrer.
Même quand je te vois en train de galérer,
Tu ne lances jamais de plainte déchirante.
Tu rayonnes de joie sous une pluie battante
Et tu peuples de vie le sol enténébré.
Que viennent la disette et les temps de malheur,
Cette sérénité restera dans ton coeur.
Quand te sera, plus tard, l'existence ravie,
Quand tu seras noyé dans cette nuit sans fond,
Ta conscience dira, sans émettre aucun son :
Escargot, escargot, qu'as-tu fait de ta vie ?
Très très bien
Les anges planent
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Au temps où fut croquée la pomme,
Chantèrent les Anges d’Enfer ;
Mais d’autres furent moins pervers,
Ceux-là qu’« Anges du Ciel » tu nommes.
Le triste exilé fit un somme,
Il revit les feuillages verts ;
Il retrouva son univers,
Ce coupable, Adam, ce pauvre homme.
Par la suite, il se recueillit,
Comprenant qu’il avait failli ;
Il a perdu sa langue, il pense.
Il n’accuse pas le serpent,
Mais son propre désir rampant ;
D’un ange il entend le silence.
Pomme grise
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Moi, je n’ai rien fait, dit la pomme,
Je n’irai donc pas en enfer ;
Un fruit n’a nul penchant pervers,
Jamais pécheurs on ne nous nomme.
Toujours nous restons où nous sommes;
Ceux qui sont mûrs, ceux qui sont verts ;
La branche, c’est notre univers,
De haut nous regardons les hommes.
Aussitôt qu’il nous a cueillis,
L’homme est de désirs assailli,
Car c’est à son plaisir qu’il pense.
Pas même besoin d’un serpent
Pour pervertir ce sacripant ;
Sa soif de mal faire est immense.