La Plage
Sur la plage où blanchit la mer dans les ténèbres,
Où le figuier frémit sous le poids des oiseaux,
Un homme, à demi-voix, n’a prononcé qu’un mot :
Celui qui l’a reçu s’éloigne sous les cèdres.Il est l’heure. Bacchus entreprend sa conquête.
Un rendez-vous l’accable et, comme un ruisseau sourd,
L’espace le pénètre. Il fit nuit. Fait-il jour ?
Qu’importe, dispersez les foyers de la fête.Dans un pays de bois et de fraiches rivières
Un homme sent couler, dans ses veines, son sang.
Il connait ce pays, ces hommes, leur accent.
Déjà l’odeur du sol lui était familière.Sur la plage celui qui livra le secret
Gît avec un poignard entre les deux épaules,
Mais sa voix flotte encor sur l’eau, le long du môle
Et répète le mot d’où naquit son regret.Sans cesse elle redit ces syllabes : Corinthe,
Et la terre gémit de langueur et de crainte.
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Robert DESNOS
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l’Allemagne nazie. Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et... [Lire la suite]
Oiseaux dans le figuier
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Rien dans ce beau jardin ne leur est étranger,
Ce qu’ils ne savent pas, leur esprit l’imagine ;
Sur l’arbre sont perchés des frangins, des frangines,
C’est toute une fratrie de pilleurs de vergers.
Cette troupe est sauvage et n’a pas de berger ;
Nullement effrayés par le dieu misogyne,
Ils sont toujours restés à leur lieu d’origine,
Aucune imprécation ne les fera bouger.
L’ombre des troncs leur est une horloge solaire,
Ils subissent le froid sans se mettre en colère ;
Ils aiment célébrer le jour à peine éclos.
Or, la plupart du temps, ces oiseaux se baladent
Parmi les fruits de pourpre et les feuilles de jade ;
Mais à la fin du jour, ils regagnent l’enclos.
Sur l’eau
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La nef dérive au gré des flots,
La légère brise l’effleure ;
La nef avance au fil des heures,
Nonchalants sont les matelots.
L’ondine parle au cachalot,
Elle d’invite en sa demeure ;
L’ondine de rien ne s’apeure,
Comme on dit en nos caboulots.
Ces deux échangent leurs pensées ;
Ils disent des choses sensées,
Puis ils divaguent à plaisir.
Moi, j’aime écouter leur silence
Qui vers Poséidon s’élance,
Chargé de leur commun désir.