La Nuit
Depuis que dans la plaine immense il s’est fait soir,
Avec de lourds marteaux et des blocs taciturnes,
L’ombre bâtit ses murs et ses donjons nocturnes
Comme un Escurial revêtu d’argent noir.Le ciel prodigieux domine, embrasé d’astres,
- Voûte d’ébène et d’or où fourmillent des yeux -
Et s’érigent, d’un jet, vers ce plafond de feux,
Les hêtres et les pins, pareils à des pilastres.Comme de blancs linceuls éclairés de flambeaux,
Les lacs brillent, frappés de lumières stellaires,
Les champs, ils sont coupés, en clos quadrangulaires,
Et miroitent, ainsi que d’énormes tombeaux.Et telle, avec ses coins et ses salles funèbres,
Tout entière bâtie en mystère, en terreur,
La nuit paraît le noir palais d’un empereur
Accoudé quelque part, au loin, dans les ténèbres.
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Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Meules qui Brûlent
- Les Vêpres
- Les Saints, les Morts, les Arbres et le Vent
- Sois-nous propice et consolante encor...
- L'Ombre est Lustrale et l'Aurore Irisée
- Si d'autres fleurs décorent la maison
- La glycine est fanée et morte est...
- Le clair jardin c'est la santé
- S'il était vrai
Porteur de rameaux
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Rapace d'argent dans le soir,
Parmi les trèfles taciturnes,
Survolant les donjons nocturnes
Brillants et maçonnés de noir.
L'oiseau planant sous les étoiles
A du sourire dans ses yeux ;
Il transporte un rameau de feu
Dont, par moments, l'éclat se voile.
Bientôt viendra la nuit funèbre ;
Le moment des grandes terreurs
Où tremblent moine et empereur,
Cet incertain temps de ténèbres.