La Nuit
A cette heure où les coeurs, d’amour rassasiés,
Flottent dans le sommeil comme de blanches voiles,
Entends-tu sur les bords de ce lac plein d’étoiles
Chanter les rossignols aux suaves gosiers ?Sans doute, soulevant les flots extasiés
De tes cheveux touffus et de tes derniers voiles,
Les coussins attiédis, les draps aux fines toiles
Baisent ton sein, fleuri comme un bois de rosiers ?Vois-tu, du fond de l’ombre où pleurent tes pensées,
Fuir les fantômes blancs des pâles délaissées,
Moins pâles de la mort que de leur désespoir ?Ou, peut-être, énervée, amoureuse et farouche,
Pieds nus sur le tapis, tu cours à ton miroir
Et des ruisseaux de pleurs coulent jusqu’à ta bouche.Octobre 1847
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Théodore de BANVILLE
Etienne Jean Baptiste Claude Théodore Faullain de Banville, né le 14 mars 1823 à Moulins (Allier) et mort le 13 mars 1891 à Paris, est un poète, dramaturge et critique français. Célèbre pour les « Odes funambulesques » et « les Exilés », il est surnommé « le poète du... [Lire la suite]
Cracheur de flammes
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De feu ni de chaleur ne suis rassasié ;
J’ai chez moi trois bûchers, que jamais rien ne voile,
Et, si je le pouvais, j’y mettrais les étoiles
Pour les faire glisser dans mon vaste gosier.
Quand s’éveille un vocan,mon coeur extasié
Bat quelque peu plus vite, et même, je me poile
En songeant que nul mur, de granit ou de toile,
Ne saurait contenir ce vivace brasier.
Je suis le noir dragon, simples sont mes pensées,
Chose autre qu’une flamme est par moi délaissée,
Grâce à leur vif éclat, j’échappe au désespoir.
Quand plus tendre se fait la dragonne farouche,
La même combustion réchauffe nos deux bouches :
Le feu croit s’observer dans un ardent miroir.
Calice de flammes
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Es-tu rassasié,
Roi cruel, roi de gloire ?
Que désire-t-il boire,
Ton imposant gosier ?
Le peuple extasié
Te prie dans la nuit noire ;
Ils font de toi mémoire,
Allumant des brasiers.
L’ermite a des pensées
Pour sa vie délaissée ;
Tu es son seul espoir.
Quelques démons farouches
Lancent des regards louches ;
Il brandit un miroir.