La nuit
Portant dans ses bras nus ses deux enfants jumeaux,
Le Sommeil et la Mort, la Nuit pensive et douce
D’un vol auguste et calme, égal et sans secousse,
Glisse au-dessus des monts, des mers et des hameaux.Sous ses longs voiles noirs étincelants d’émaux
Elle allaite ses fils, et de sa toison rousse,
Astre au cieux, d’un torrent d’étoiles éclabousse
L’ombre, où son lait tombé verse l’oubli des maux.Et des bleues oasis, où sont les caravanes,
Aux balustres des tours, où perchent les cabanes
Des guetteurs, muezzins des froids climats du Nord,Le vieux monde, hanté d’un peuple d’ombres vagues,
Comme un guerrier d’Homère au bercement des vagues
Sous les pas de la Nuit se détend et s’endort.
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Jean LORRAIN
Paul Alexandre Martin Duval, dit Jean Lorrain, est un écrivain français à très forte tendance parnassienne, né à Fécamp le 9 août 1855 et mort à Paris le 30 juin 1906.
Jean Lorrain a été l’un des écrivains scandaleux de la Belle Époque, au même titre que Rachilde, Hugues Rebell et Fabrice Delphi. Ses œuvres peuvent... [Lire la suite]
Monstrecerf
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Penchant sur l'océan ses deux crânes jumeaux,
Monstrecerf chantonnait un poème, à voix douce,
Adoucissant ainsi du monde les secousses,
Lui apportant la paix des bois et des hameaux.
Le ciel était d'azur, le plus frais des émaux,
Orné de soleils d'or, et non de lunes rousses ;
L'animal vigoureux, nourri de tendres pousses,
N'éprouvait en ce jour la crainte ni les maux.
Heureux qui, comme lui, sa nourriture glane
Sans même rechercher l'abri d'une cabane,
Insoucieux qu'il est de la bise du Nord !
Heureux qui, comme lui, se rafraîchit aux vagues,
Sur ce monde incertain portant son regard vague ;
Heureux, ce monstre-là, dont la conscience dort.