Poème 'La Nuit' de Jules VERNE

La Nuit

Jules VERNE

Le soleil entraînant dans sa course lointaine
Les brûlantes vapeurs, vers d’autres horizons,
Ne dorait déjà plus la neige des tisons
Que les brebis laissaient aux buissons de la plaine.

L’âme était plus tranquille, et l’air était plus doux !
Loin du regard de feu du soleil, l’atmosphère
Des fleurs qui respiraient, à l’ombre de la terre,
Exhalait la fraîcheur, et le parfum dissous.

La nuit tranquillement laissant ses tièdes voiles
Confondre des objets les contours indécis,
De moments en moments, dans les cieux obscurcis,
Faisait étinceler de brillantes étoiles.

L’œil les allait chercher, et dans l’azur bruni
Apercevait bientôt leurs nombreuses phalanges ; -
Parfois, il croyait voir la main sûre des anges
Allumer les flambeaux de l’espace infini.

Dans leur scintillement, les astres semblaient craindre
De montrer à la nuit leur fragile lueur,
Car elles vacillaient, et changeaient leur couleur,
Comme un feu, quand le vent menace de l’éteindre.

Les étoiles au loin s’enflammaient plus encore ;
Comme une aigrette ignée, à l’horizon plus sombre,
Débordaient sur le ciel, et projetaient dans l’ombre
Qui tremblait sous leur vol, une lumière d’or !

Au zénith, s’arrêtait la lune ronde et pâle
Laissant tomber sur terre un paisible rayon ;
Rien n’était aussi doux, aussi pur, aussi blond !
La lune teignait tout de son reflet d’opale.

De même qu’un métal laisse en sa fusion
Échapper et briller comme une girandole
Sa chaleur lumineuse, ainsi d’une auréole
La lune s’entourait dans sa combustion.

Elle était reine au ciel ; sa lumière argentée
Étalait sa splendeur et son rayon si blanc
Traçait jusqu’à la terre une route lactée,
Faite du pâle azur, et des feux de son flanc.

Le ciel adoucissait la fugitive teinte
De sa robe azurée, en fuyant ce foyer,
Brunissait, noircissait, puis allait s’oublier
De l’horizon obscur dans la lointaine enceinte.

Tout dormait en silence en la tranquille nuit ;
Rien ne venait troubler le repos solitaire ;
Sur ses bords éclairés, au sein de la rivière,
Les arbres se penchaient et se miraient sans bruit.

L’onde dormait aussi ; limpide et transparente,
La lune y projetait ses éblouissements;
Ses rayons brillaient comme un feu de diamants,
Et formaient un brasier au sein de l’eau dormante.

Le coteau du vallon plutôt bruni que noir,
Se dessinait à peine, et de sa teinte obscure
Parfois une lumière au fond d’une ouverture
Comme un oeil lumineux se laissait entrevoir.

Du sol indifférent, au sein de la nuit sombre
Une clarté soudaine submergeait l’occident,
Courait sur un toit, comme une plaque d’argent,
Le faisait resplendir et scintiller dans l’ombre.

De temps en temps, au sein du temps silencieux,
De sa gueule d’airain, qui dirige sa note,
Un cor lançant, tantôt de sa voix qui chevrote,
Un son, clair, aigre, fort, qui s’entendait aux cieux ;

Et tantôt retournant son pavillon mobile,
Vers un autre horizon, on n’entendait dès lors
Comme d’un faible écho que les lointains accords ;
Ce n’était qu’un son doux pour l’oreille docile.

Ou bien, aussi d’un chien le fidèle aboîment,
Qui, répétant au loin sa prompte inquiétude,
Venait parfois troubler la vaste solitude ;
Des grenouilles, c’était l’aigre croassement.

Ou bien l’exacte voix de l’horloge voisine
Qui jetait aux humains le temps sonore et clair ;
Ce temps qui dans la nuit s’enfuit comme l’éclair,
Mais qui souvent, hélas, à pas tardifs chemine ! …

Et cependant la lune en son muet sommeil
De sa lumière pâle, aimée, indifférente,
Arbres, rivière, toits, d’un argent doux argente :
Cette lune qui dort n’a jamais de réveil !

Tous ces bruissements, fourmillements sans nombre,
Ces cris, vifs, éclatants, ou faibles, adoucis,
Cherchent en vain l’écho dans les cieux obscurcis,
Et viennent expirer dans l’immensité sombre !

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Commentaires

  1. Pichet de Verlaine
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    En taverne le temps s’accélère et s’enfuit,
    Dès qu’une chope est vide, elle est à nouveau pleine ;
    La belle tavernière a soin de Paul Verlaine,
    Le poète maudit qui son coeur a séduit.
     
    Assez peu de buveurs dans ce petit réduit,
    Disant au long du jour quelques paroles vaines ;
    Ils viennent partager leurs joies et leurs déveines,
    Le malheur du poète en rimes se traduit.
     
    Il est désargenté, mais il tient table ouverte,
    Ne voulant être seul avec sa boisson verte ;
    Il fredonne tout bas quand il est éméché.
     
    Parfois vient un touriste, amateur de folklore,
    Qui l’état de ces lieux nullement ne déplore,
    Mais goûte les propos du rhapsode fauché.

  2. Purgatoire des grenouilles
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    Tu nous vois ici, désarmées,
    C’est triste, ce n’est pas marrant ;
    Les Portes du Ciel sont fermées,
    Guère d’espoir, c’est effarant.

    Nous eûmes bonne renommée,
    Ainsi que l’eurent nos parents ;
    Maintenant, nous voilà paumées
    Sans aucun recours apparent.

    Allons ! Ces jours de purgatoire,
    Nous n’en ferons pas une histoire
    On va se taire un peu, c’est mieux.

    Par où sortir ? C’est un mystère,
    Comme le sont les lois austères
    Que nous subissons en ces lieux.

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Jules VERNE

Portait de Jules VERNE

Jules Verne, né le 8 février 1828 à Nantes en France et mort le 24 mars 1905 à Amiens en France, est un écrivain français dont une grande partie des œuvres est consacrée à des romans d’aventures et de science-fiction (ou d’anticipation). En 1863 paraît chez l’éditeur Pierre-Jules Hetzel (1814-1886) son... [Lire la suite]

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