La Mort d’une libellule
Sous les branches de saule en la vase baignées
Un peuple impur se tait, glacé dans sa torpeur,
Tandis qu’on voit sur l’eau de grêles araignées
Fuir vers les nymphéas que voile une vapeur.Mais, planant sur ce monde où la vie apaisée
Dort d’un sommeil sans joie et presque sans réveil.
Des êtres qui ne sont que lumière et rosée
Seuls agitent leur âme éphémère au sommeil.Un jour que je voyais ces sveltes demoiselles,
Comme nous les nommons, orgueil des calmes eaux.
Réjouissant l’air pur de l’éclat de leurs ailes,
Se fuir et se chercher par-dessus les roseaux,Un enfant, l’œil en feu, vint jusque dans la vase
Pousser son filet vert à travers les iris,
Sur une libellule ; et le réseau de gaze
Emprisonna le vol de l’insecte surpris.Le fin corsage vert fut percé d’une épingle;
Mais la frêle blessée, en un farouche effort.
Se fit jour, et, prenant ce vol strident qui cingle,
Emporta vers les joncs son épingle et sa mort.Il n’eût pas convenu que sur un liège infâme
Sa beauté s’étalât aux yeux des écoliers :
Elle ouvrit pour mourir ses quatre ailes de flamme,
Et son corps se sécha dans les joncs familiers.
Chaville, mai 1870.
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Anatole FRANCE
Anatole France, de son nom exact François-Anatole Thibault, est un écrivain français, né le 16 avril 1844 à Paris, quai Malaquais, mort le 12 octobre 1924 (à 80 ans) à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire). Il est considéré comme l’un des plus grands écrivains de la Troisième République dont il fut également l’un des plus... [Lire la suite]
Noble libellule
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C’est la Dame du Crépuscule,
Elle aime un ondin jeune et fort ;
Tous deux ennemis de l’effort,
Avec nonchalance ils circulent.
La nature bientôt s’endort,
Au fil de l’eau vogue une bulle ;
Une dryade déambule
Loin de son arbre aux feuilles d’or.
Que vienne la nuit embaumée,
Chargée d’étoiles innommées ;
Nous l’aimons mieux qu’un jour trop clair.
Le vent soufflera sur la friche,
Des spectres passeront dans l’air ;
De nos rêves nous serons riches.