Poème 'La mort des amants' de Charles BAUDELAIRE dans 'Les Fleurs du Mal'

La mort des amants

Charles BAUDELAIRE
Recueil : "Les Fleurs du Mal"

Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d’étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l’envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux ;

Et plus tard un Ange, entr’ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

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Commentaires

  1. Faisons-nous la vie légère,
    Ne craignons pas le tombeau ;
    Garnissons nos étagères,
    Des ouvrages les plus beaux.

    Ces années sont les dernières,
    Consumons donc les flambeaux,
    N'épargnons point la lumière
    De nos deux soleils jumeaux.

    Respirons cet air mystique,
    C'est une occasion unique,
    De vivre de fiers adieux ;

    La faucheuse est à la porte,
    J'entends son rire joyeux,
    Ma chandelle est presque morte.

  2. Porte sépulcrale
    ---------

    Cette porte est fort légère,
    C’est la porte d’un tombeau ;
    Car la vie est passagère,
    Même si ce monde est beau.

    De rien ne sert la prière,
    De rien ne servent les mots ;
    Mais mourons dans la lumière
    D’Eros et Bacchus, jumeaux.

    Ce sonnet n’est point mystique,
    Ce discours n’est pas unique ;
    Juste un petit mot d’adieu.

    Bien légère est cette porte,
    Et son bruit n’est pas joyeux ;
    C’est le temps des années mortes.

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