La marche des hommes
- Père, sommes nous encore loin, dis-moi?
– Marche, pourquoi sans cesse me demandes-tu cela ?
Tu t’épuises, marche, tu verras…
- Dis-moi encore, s’il te plait, ce que nous verrons là bas !
- Je ne sais pas vraiment ce que nous verrons….
Mais je sais que nous y trouverons ce que nous cherchons
depuis tant de larmes versées.
Nous y trouverons un royaume de paix.
Là bas les jours seront évidents.
Là bas, tout ce que nous dirons sera important.
Les autres seront présents.
Marche s’il te plait, presse le pas.
- Ne sommes-nous pas déjà passés par là?
- La terre est ronde mon garçon, alors cela se peut.
Mais tout ce que tu as vu hier n’existe plus déjà.
Si ce n’est pas le lieu qui diffère alors c’est peut être toi.
Reposons-nous un peu, veux-tu ?
- Devrons nous encore marcher longtemps?
- Si tu t’arrêtes, tu meurs avec le temps.
Nous ne sommes qu’en mouvement.
- Dis, ces hommes dans ce monastère sont-ils en mouvement?
- Oui ils marchent dans leur cœur.
- Et ces femmes que nous avons vu près des troupeaux
au soleil couchant, marchent-elles également?
- Elles parcourent l’univers à chaque instant.
- Et ces soldats en guenilles, au visage d’enfant, sont-ils en marche également?
- Ils marchent à l’envers…
- A l’envers?
- Ils marchent à contre sens, mon enfant.
- Nous aurions du les prévenir.
- Le poids de leur fardeau pèse si lourd qu’il ne peuvent
nous entendre…
- Que portent-ils de si lourd, père?
- La haine, la peur, la faim et la misère.
Il y a tant de choses qui égarent les hommes…
- Nous aurions du peut-être alléger leur peine?
- Tu as raison, j’ai peut-être eu peur de perdre quelques
heures…
Cela fait des jours que nous marchons, il nous reste tant de
chemin…
- C’est maintenant que les autres sont importants!
Sauront-ils nous pardonner?
- Oui parce que tu as su voir leur peine.
Le pardon est chose difficile mon fils.
C’est un échange de larmes. C’est comme si nous mêlions
notre sang.
Ils changent les hommes.
Il fait nos pas plus grands.
Ils changent le sens de nos routes.
Mais il faut quelque fois marcher bien longtemps pour le demander ou l’accepter.
Tu as raison mon garçon, à chaque instant les autres sont importants.
Là-bas commence peut-être dès notre premier pas.
Viens, veux-tu, reprenons la route.
- Dis, devrons-nous suivre cette rivière?
- Nous la suivrons jusqu’à la mer.
- Et cette lande devrons-nous la traverser?
- Oui! et puis cette vallée ! et puis au delà encore!- Père pourquoi toutes ces pierres?
- Parce qu’un homme sans mémoire
est un homme qui se perd.
- Père te souviens-tu de l’histoire de ce griot rencontré
sur les rives de l’Omo?
- Elle est en moi plus sûrement que ce livre dans ma poche!
- Comment fait-il pour ne rien oublier?- Il est des hommes qui ont tant de sagesse qu’ils n’ont besoin ni de pierres, ni de palais, ni de livres sacrés. Ils portent dans leur âme l’histoire des hommes.
Il a suffi qu’il se mette à raconter pour que nous marchions à ses côtés.
- Se souvenir et écouter? C’est cela père?
- Et puis regarder, aimer, et donner.
C’est aussi cela qui nous donne la force de marcher.
- J’aime ce voyage père!
Mon pas devient plus léger!
Regarde il me semble que je vais te dépasser!- C’est parce que, mon fils, mon voyage va bientôt se terminer.
- Mais là bas père tu m’avais dit qu’ensemble…
- Nous nous sommes accompagnés.
Et avec toi, je sens mon coeur soulagé.
- Comment ferai-je père pour ne pas m’égarer?
- Ta mémoire mon fils, ta mémoire et ton cœur.
- Mon voyage se termine parce que je suis en paix.
Va, maintenant, marche ton chemin t’appartient.
Et n’oublie pas!
C’est là bas que tout commencera !
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Commentaires
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ATOS
Nom : SHRIQUI GARAIN
Prénom : Astrid
Naissance : non renseigné
Présentation : non renseigné
MA-GNI-FI-QUE! voila un texte qui mele beaute et intelligence.Et de plus en utilisant des mots tout simple, j' aime le rythme de ce poeme.
Bravo!
Merci Antonellli d'avoir rejoint cette marche.