La Louange du Corps Humain
Dans la clarté plénière et ses rayons soudains
Brûlant, jusques au coeur, les ramures profondes,
Femmes dont les corps nus brillent en ces jardins,
Vous êtes des fragments magnifiques du monde.Au long des buis ombreux et des hauts escaliers,
Quand vous passez, joyeusement entrelacées,
Votre ronde simule un mouvant espalier
Chargé de fruits pendus à ses branches tressées.Si dans la paix et la grandeur des midis clairs
L’une de vous, soudain, s’arrête et plus ne bouge,
Elle apparaît debout comme un tyrse de chair
Où flotterait le pampre en feu de ses crins rouges.Lasses, quand vous dormez dans la douce chaleur,
Votre groupe est semblable à des barques remplies
D’une large moisson de soleil et de fleurs
Qu’assemblerait l’étang sur ses berges pâlies.Et dans vos gestes blancs, sous les grands arbres verts,
Et dans vos jeux noués, sous des grappes de roses,
Coulent le rythme épars dans l’immense univers
Et la sève tranquille et puissante des choses.Vos os minces et durs sont de blancs minéraux
Solidement dressés en noble architecture ;
L’âme de flamme et d’or qui brûle en vos cerveaux
N’est qu’un aspect complexe et fin de la nature.Il est vous-même, avec son calme et sa douceur,
Lc beau jardin qui vous prête ses abris d’ombre
Et le rosier des purs étés est votre coeur,
Et vos lèvres de feu sont ses roses sans nombre.Magnifiez-vous donc et comprenez-vous mieux !
Si vous voulez savoir où la clarté réside,
Croyez que l’or vibrant et les astres des cieux
Songent, sous votre front, avec leurs feux lucides.Tout est similitude, image, attrait, lien ;
Ainsi que les joyaux d’un bougeant diadème,
Tout se pénètre et se mire, ô femmes, si bien
Qu’en vous et hors de vous, tout est vous-mêmes.
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Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
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Tétragastéropode
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Il s’éveille à la nuit, surgissement soudain,
On voit dans son regard que son âme est profonde ;
Tétragastéropode, ornement du jardin,
Tu es l’invertébré le plus savant du monde.
Tu vis surtout la nuit, car tu crains la chaleur,
Tu aimes t’endormir quand ta panse est remplie
D’une large moisson de feuilles et de fleurs,
Festin se prolongeant jusqu’à l’aube pâlie.
Alors, tu vas dormir sous les grands arbres verts,
En rêve dévorant un pétale de rose,
Mollusque satisfait de l’immense univers,
Escargot fasciné par la beauté des choses.
Escargot du jardin d’Eden
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L’envie d’offrir le fruit le submergea soudain.
Il quitta lentement sa retraite profonde
Pour avancer vers l’arbre, au centre du jardin,
Désireux de changer l’évolution du monde.
Il s’arrêta bientôt, vaincu par la chaleur,
Pensant que sa mission était presque remplie.
Il s’endormit bientôt, dans l’ombre d’une fleur,
Et sa sieste dura jusqu’au temps de complies.
Or, quand il arriva près du grand arbre vert,
Il n’y rencontra point la femme au teint de rose,
Car le serpent, fléau de l’instable univers,
L’avait déjà gagnée à sa douteuse cause.