Poème 'La Furtive' de Robert DESNOS dans 'Les Sans Cou'

La Furtive

Robert DESNOS
Recueil : "Les Sans Cou"

La furtive s’assoit dans les hautes herbes pour se reposer d’une course épuisante à travers une campagne déserte.
Poursuivie, traquée, espionnée, dénoncée, vendue.
Hors de toute loi, hors de toute atteinte.
À la même heure s’abattent les cartes
Et un homme dit à un autre homme :
« À demain. »
Demain, il sera mort ou parti loin de là.
À l’heure où tremblent les rideaux blancs sur la nuit profonde,
Où le lit bouleversé des montagnes béant vers son hôtesse disparue
Attend quelque géante d’au-delà de l’horizon,
S’assoit la furtive, s’endort la furtive.
Ne faites pas de bruit, laissez reposer la furtive
Dans un coin de cette page.

Craignez qu’elle ne s’éveille,
Plus affolée qu’un oiseau se heurtant aux meubles et aux murs.
Craignez qu’elle ne meure chez vous,
Craignez qu’elle s’en aille, toutes vitres brisées,
Craignez qu’elle ne se cache dans un angle obscur,
Craignez de réveiller la furtive endormie.

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Commentaires

  1. Le grand rhinocéros précède tous les cloportes,
    et cette troupe nocturne traverse le jardin.
    Les cloportes ont pour consigne de régler sur le pachyderme leur course.
    *
    Et déjà la nuit humide avait presque atteint la borne médiane du jardin ;
    les libellules, couchées sous leurs longues ailes, sur les bords de la mare,
    laissaient se détendre leurs membres dans un paisible repos,
    quand le chameau, du sommet d'un palmier se précipitant,
    tout vaporeux, écarta les airs ténébreux, repoussant les cloportes.
    *
    Il te cherchait, toi le rhinocéros, t'apportant des songes affreux,
    à toi sa victime innocente. Le chameau s'installe sur une branche du rosier,
    sous les traits d'une luciole, et de sa bouche coulent ces paroles doucereuses :
    « Mon pote, mon rhino, les cloportes portent la poisse,
    les brises soufflent, maudites ; ton heure est au cadran de mon horloge de la mort.
    *
    Pose ton mufle et dérobe au travail tes yeux de vache difforme.
    Je te remplacerai moi-même pendant les siècles qui vont suivre ».
    Levant à peine les yeux vers lui, le rhino lui répond :
    « Est-ce à moi que tu ordonnes de méconnaître les aspects paisibles
    et le terreau tranquille du jardin ? Dois-je me fier à tes prodiges ?
    *
    Pourquoi en effet, irais-je te confier mon existence terrestre ? J'ai été tant de fois abusé
    par des brises trompeuses et la ruse d'un chameau insupportable. »
    *
    Ainsi étaient ses dires ; fortement agrippé à la tige du rosier,
    il ne déviait nullement et fixait les yeux sur la lune pleine.
    Et voici que le chameau agite autour du front du rhino un rameau de ce rosier fatidique.
    Le rhino est hésitant, ses yeux devenus vagues se sont fermés.
    Ce repos soudain avait à peine relâché ses membres,
    que le chameau se pencha sur lui et précipita son corps dans les orties.
    Mais il a une peau si épaisse qu'il s'en sort bien pour cette fois.
    Le chameau, comme une bulle savonneuse, s'envole et s'élève dans les airs légers.
    La planète n'en poursuit pas moins sa course tranquille,
    et pourvu que cela dure ! comme disait la maman du général corse.

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