Poème 'La Fuite' de Théophile GAUTIER dans 'Poésies nouvelles et inédites'

La Fuite

Théophile GAUTIER
Recueil : "Poésies nouvelles et inédites"

KADIDJA.
Au firmament sans étoile,
La lune éteint ses rayons ;
La nuit nous prête son voile.
Fuyons ! fuyons !

AHMED.
Ne crains-tu pas la colère
De tes frères insolents,
Le désespoir de ton père,
De ton père aux sourcils blancs ?

KADIDJA.
Que m’importent mépris, blâme,
Dangers, malédictions !
C’est dans toi que vit mon âme.
Fuyons ! fuyons !

AHMED.
Le cœur me manque ; je tremble,
Et, dans mon sein traversé,
De leur kandjar il me semble
Sentir le contact glacé !

KADIDJA.
Née au désert, ma cavale
Sur les blés, dans les sillons,
Volerait, des vents rivale.
Fuyons ! fuyons !

AHMED.
Au désert infranchissable,
Sans parasol pour jeter
Un peu d’ombre sur le sable,
Sans tente pour m’abriter…

KADIDJA.
Mes cils te feront de l’ombre ;
Et, la nuit, nous dormirons
Sous mes cheveux, tente sombre.
Fuyons ! fuyons !

AHMED.
Si le mirage illusoire
Nous cachait le vrai chemin,
Sans vivres, sans eau pour boire,
Tous deux nous mourrions demain.

KADIDJA.
Sous le bonheur mon cœur ploie ;
Si l’eau manque aux stations,
Bois les larmes de ma joie.
Fuyons ! fuyons !

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Commentaires

  1. Les amoureux marchent pieds nus
    Au printemps dans une herbe tendre,
    Entourés de sons inconnus
    Qu'ils ont seuls à pouvoir entendre.
    *
    Avant que le soir fût venu
    Ils ont trouvé de quoi s'étendre ;
    Les gestes longtemps retenus
    Sont accomplis sans plus attendre.
    *
    Au lointain dorment les villages,
    Nul paysan au pâturage,
    Nul promeneur sur le chemin.
    *
    A l'horizon dort la montagne.
    Dorment compagnon et compagne
    Ici, sans penser à demain.

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