Poème 'La Fleur fossile' de Jules LEFÈVRE-DEUMIER

La Fleur fossile

Jules LEFÈVRE-DEUMIER

Jamais coupe d’opale, où boivent les abeilles,
Jamais perle d’azur, étoilant nos corbeilles,
Ou vivant de notre air dans l’air vivant des blés,
N’ont agi plus longtemps sur mes songes troublés,
Que ce fantôme noir d’une plante momie,
Dans son champ souterrain six mille ans endormie.
Les jeunes sœurs d’hier, opulentes ou non,
Ont toutes des couleurs, qui nous disent leur nom,
Qui content à nos sens les secrets de leur vie ;
Mais cette fleur de pierre, aux cavernes ravie,
Que semble, en l’éclairant, renier le soleil,
Quelle énigme sans fond renferme son sommeil !
Obscur comme la tombe, et plus impénétrable,
Sphinx jadis éphémère, aujourd’hui si durable,
Voyageur engourdi, qui reviens de si loin,
Que sais-tu de la terre ? Avait-elle un témoin,
Quand, la couronne au front, de ta couche élancée,
La lumière sauva ta royauté passée ?
Né comme toi des pleurs ou des baisers du jour,
Le vol des papillons t’a-t-il parlé d’amour
Oasis de parfums, dans les déserts flottante,
À quel sylphe nomade as-tu servi de tente ?
Quelle ombre a rafraîchi ton germe ? quel oiseau
Vint, pour te saluer, chanter sur ton berceau ?
Avant d’y promener sa force vagabonde,
L’homme avait-il déjà des vassaux dans ce monde ;
Ou, du globe encor vide astre silencieux,
N’as-tu de ta splendeur étonné que les cieux ?

Quand j’interroge ainsi ton spectre avec mon rêve,
Je ne sais quel brouillard de ta cendre s’élève,
Où, comme des vaisseaux, glissent, appareillés,
Des jours évanouis les trésors réveillés.
Des monstres primitifs la race qui s’exhume
Repeuple devant moi cet océan de brume,
Et l’air ressuscité s’encombre de dragons,
Dont le vol fait crier le monde sur ses gonds.
Autour de ton néant je vois, comme un mirage,
Des continents proscrits bouillonner le naufrage,
Et des mers d’autrefois ranimant les complots
Je te vois, dans ta fosse installé par les flots,
Des siècles décédés confident oculaire,
Nous garder, de leur fin, ta mort pour exemplaire.

Écho pétrifié des temps qui sont perdus,
Tes oracles muets, dans mon âme entendus,
Refont tout le passé dépouille par dépouille.
Fleur antique, salut ! chrysalide de houille,
D’où s’envole, à mes yeux, un vivant univers.
Pour qui l’y veut chercher, quelle moisson de vers
Rayonne sous la nuit de tes mornes pétales,
Genèse où le déluge a scellé ses annales,
Et qu’à livre fermé comprennent nos esprits !
Poème plus confus que ces vieux manuscrits,
Que rangeait Pompeïa dans ses cases de poudre,
Et qui dorment sans voix calcinés par la foudre,
Ton silence éloquent me parle plus haut qu’eux.
Tout ce qu’on peut glaner sous leurs plis ténébreux,
Fût-ce un soupir perdu de la Grèce ou de Rome,
C’est quelque mot terrestre, imparfait comme l’homme,
Dont le sens préféré n’est pas toujours le bon :
Toi, l’on n’épelle pas tes feuilles de charbon
Sans en voir aussitôt, comme une ombre empressée,
Sortir un mot de Dieu, traduit par la pensée.

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Commentaires

  1. Cette fleur s’éveille
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    De plus en plus courtes les nuits,
    L’hiver est mort, nul ne le pleure ;
    Chacun se lève de bonne heure,
    Un nouvel espoir nous conduit.

    Cette fleur me parle sans bruit,
    Elle découvre sa demeure ;
    Les pierres qui jamais ne meurent
    Lui racontent le temps qui fuit.

    Lumineuses sont ses pensées,
    Optimistes et fort sensées ;
    Elle savoure ses plaisirs.

    Son langage est fait de silence,
    C’est un chemin vers l’excellence ;
    Car c’est la langue du désir.

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