La Fée Hamonde
Près du Gange ou du Nil, de la Seine ou du Rhin,
La fée Hamonde habite un palais souterrain
Creusé dans les trésors d’une insondable mine,
Et que leur seul éclat de tout temps illumine.
Le regard de la fée a poli les parois
Qui sont des métaux purs à rendre fous les rois,
Des feux cristallisés tels que reine ou tzarine
N’en a jamais paré son front ni sa poitrine,
Et les perçant aussi de ses propres clartés,
Rencontre leurs reflets de partout reflétés ;
Et, toujours, au milieu des parfaites magies
De miroirs alternés sans fin, les effigies
De toute sa personne adorable lui font,
Auprès d’elle ou très loin dans un vide sans fond,
Une cour innombrable, et de sœurs coutumières
Qui n’osent nulle part se mouvoir les premières.
La fée Hamonde ainsi va d’un pas hésitant,
Comme isolée en l’air splendide, et méditant
Sur un secret jadis transmis aux bons génies.
De salle en salle, et plus vivantes, plus unies,
Ses images qui vont s’alignant par milliers
Retracent tout à coup ses gestes familiers ;
Si bien, qu’il est des jours où dans les perspectives
D’un peuple aérien aux foules sensitives
Elle s’arrête, et croit, le cœur évanoui,
Que son rêve et son corps de fée ensemble ont fui,
Et tourne lentement, pour chercher autour d’elle
L’être si radieux qui lui sert de modèle.
Mais elle se réveille, et tressaille, et sourit ;
Elle reprend, d’après chaque rite prescrit,
Les incantations qu’à la même seconde
Son cortège idéal en l’imitant seconde,
Puis, quand elle a rappris les mots sacramentels
Qu’elle oublie à la longue au contact des mortels,
S’évapore à travers la grotte héréditaire.
La fée Hamonde alors remonte sur la terre ;
De même qu’autrefois, par le chemin plus court,
De village en cité célèbre la parcourt ;
Invisible, la nuit, dans les berceaux regarde ;
Et quelquefois l’enfant qui sommeillait sans garde,
Enveloppé d’un songe aux éclats miroitants,
Ouvre tout pleins des yeux qu’elle charme longtemps.
Et c’est pourquoi, malgré tant de ternes spectacles,
Il est au monde encor de brillants réceptacles
Où l’âme qui s’y cache en vain semble ne voir
Que l’éblouissement dont elle a le pouvoir ;
C’est pourquoi parmi nous quelques femmes plus belles,
Pour enseigner la gloire à nos torpeurs rebelles,
Montrent ces grands joyaux, ces palais d’éthers bleus
Si lointains, si peuplés, leurs yeux miraculeux.
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Léon DIERX
Léon Dierx, né à Saint-Denis de La Réunion le 31 mars 1838 et mort à Paris le 12 juin 1912, est un poète parnassien et peintre académique français. Léon Dierx naît dans la villa de Saint-Denis aujourd’hui appelée villa Déramond-Barre, que son grand-père a rachetée en 1830. Il y vit jusqu’en 1860, année de son... [Lire la suite]
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