La coupe
Au temps des Immortels, fils de la vie en fête,
Où la Lyre élevait les assises des tours,
Un artisan sacré modela mes contours
Sur le sein d’une vierge, entre ses soeurs parfaite,Des siècles je régnai, splendide et satisfaite,
Et les yeux m’adoraient… Quand, vers la fin des jours,
De mes félicités le sort rompit le cours,
Et je fus emportée au vent de la défaite.Vieille à présent, je vis ; mais, fixe en mon destin,
Je vis, toujours debout sur un socle hautain,
Dans l’empyrée, où l’Art divin me transfigure.Je suis la Coupe d’or, fille du temps païen ;
Et depuis deux mille ans je garde, à jamais pure,
L’incorruptible orgueil de ne servir à rien.
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Albert SAMAIN
Albert Samain, né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900, est un poète symboliste français. Son père étant décédé alors qu’il n’avait que 14 ans, il dut interrompre ses études pour gagner sa vie et devint employé de commerce. Vers 1880, il fut envoyé à Paris, où il décida de rester.... [Lire la suite]
Les sept pantoufles
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La pantoufle d'argent se porte aux jours de fête,
Lorsque les bateleurs sur scène font des tours ;
De gueules pantouflé, l'évêque en grands atours
Séduit une vestale, une muse parfaite.
La pantoufle d'azur arpente, satisfaite,
L'incroyable douceur des tapis de velours ;
Pantouflé de sinople, un bouffon de la Cour
Fait rire un vieux noceur à la mine défaite.
Une pantoufle d'or, instrument du destin,
Conduit vers le triomphe un chétif palotin ;
La pantoufle de sable habille et transfigure
Dans le coeur de la nuit, le pied d'un dieu païen ;
La pantoufle d'hermine, en voulant rester pure,
Dormant dans son placard, ne contribue à rien.