Poème 'L’indifférent' de Albert SAMAIN dans 'Au jardin de l'infante'

L’indifférent

Albert SAMAIN
Recueil : "Au jardin de l'infante"

Dans le parc vaporeux où l’heure s’énamoure,
Les robes de satin et les sveltes manteaux
Se mêlent, reflétés au ciel calme des eaux,
Et c’est la fin d’un soir infini qu’on savoure.

Les éventails sont clos ; dans l’air silencieux
Un andante suave agonise en sourdine,
Et, comme l’eau qui tombe en la vasque voisine,
L’amour tombe dans l’âme et déborde des yeux.

Les grands cils allongés palpitent leurs tendresses ;
Fluides sous les mains s’arpègent les caresses ;
Et là-bas, s’effilant, solitaire et moqueur,

L’Indifférent, oh ! las d’Agnès ou de Lucile,
Sur la scène, d’un geste adorable et gracile,
Du bout de ses doigts fins sème un peu de son coeur.

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Commentaires

  1. D'or à un griffon de gueules
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    L’air est d’or. Le griffon de gueules se promène
    En proposant son coeur aux ondines des puits.
    Celle qui en voudrait, fût-ce pour une nuit,
    Serait sur cette terre une vraie souveraine.

    Or, son offre n’attire ondine ni sirène ;
    L’une, même, se moque en l’appelant « Trop cuit »,
    Une autre a beaucoup ri, une troisième a fui.
    Le griffon va, portant son grand coeur, et sa peine.

    Ce n’est pas aujourd’hui que, pleine de tendresse,
    Une amante viendra l’instruire de caresses ;
    Dans son corps, il devra réinstaller son coeur.

    L’ornithorynque rose a rejoint son compère
    Et dit « J’ai le remède à cela, je l’espère :
    Ce sont quelques flacons d’une douce liqueur. »

  2. Janus de sinople
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    Le Janus de sinople au jardin se promène,
    Il voit la Vérité qui surgit de son puits ;
    Il ne la retient pas, fût-ce pour une nuit,
    Il ne sait que penser de cette souveraine.

    Il n’aime pas non plus entendre la sirène ;
    D’Ulysse les exploits ne sont pas faits pour lui,
    Devant de tels dangers, ce dieu toujours a fui.
    Mais on le voit marcher de bon coeur, et sans peine.

    Ce n’est pas un barbon recherchant la tendresse,
    Il a passé le temps des gourmandes caresses ;
    Ce vieux corps lui demande un répit pour son coeur.

    Le Janus de Dix-Neuf a rejoint son compère
    Et dit « Tu parviendras jusqu’à moi, je l’espère :
    Nous goûterons ensemble une douce liqueur. »

  3. Méditation du griffon d’azur
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    -- Je ne me soucie point des affaires humaines,
    Je songe à l’Univers en buvant l’eau du puits ;
    Je contemple, pensif, l’approche de la nuit
    Et je verrai bientôt monter la lune pleine.

    Je me souviens d’avoir courtisé des sirènes,
    Mais que Poséidon se les garda pour lui ;
    Cette histoire est perdue dans le temps qui s’enfuit,
    Ainsi se sont éteints le désir et la peine.

    Que m’importent, d’ailleurs, les gestes de tendresse,
    Mon corps jamais ne fut très sensible aux caresses ;
    Ce sont d’autres émois qui font battre mon coeur.

    -- Ce griffon, atteignant l’âge d’être grand-père,
    Est rempli de sagesse, ou du moins, je l’espère ;
    Pourtant je me méfie de son esprit moqueur.

  4. Monstre presque inoffensif
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    Ce griffon se soumet aux paroles des femmes,
    Il en devient si doux que c’est plaisant à voir ;
    Pour leurs nobles attraits ses yeux sont un miroir,
    Auprès d’elles,son coeur est plus chaud qu’une flamme.

    Rebelle à Cupidon fut autrefois son âme,
    Ça ne lui faisait rien d’être seul tous les soirs ;
    Mais sur lui la nature exerça son pouvoir,
    De l’amour il connut les émois et les drames.

    Ensuite il se lassa des lits et des alcôves
    Dont son âme jamais ne sortit saine et sauve ;
    De platoniques liens le tentèrent, pourtant.

    Tortueuse est la voie qui par lui fut suivie,
    Aphrodite par lui ne fut guère servie ;
    Ce monstre n’avait point l’esprit d’un combattant.

  5. Poisson de Janus
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    Ce poisson bicéphale, il n’a pas forme humaine,
    Il ferait mieux d’aller se cacher dans un puits ;
    Nous n’aimons nullement le rencontrer la nuit,
    Il semble un revenant lorsque la lune est pleine.

    Il trouble les ondins, il fait fuir les sirènes,
    Neptune ne sait pas ce qu’on fera de lui ;
    Des démons, sans nul doute, ici l’ont introduit
    Pour, une fois de plus, faire une blague obscène.

    Aphrodite envers lui n’aura nulle tendresse,
    À d’autres elle ira prodiguer ses caresses ;
    Il n’a pas ce qu’il faut pour être son vainqueur.

    Il sévissait déjà du temps de mon grand-père ;
    il doit bientôt mourir, ou du moins, je l’espère ;
    Notre monde ira mieux sans ce vieil arnaqueur.

  6. Sirène carnivore
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    Ce monstre n’a point forme humaine,
    Faut-il avoir pitié de lui ?
    Peut-être pas, car il nous nuit,
    Il mange plus qu’une baleine.

    Sa mère était une sirène,
    Un adultère l’a produit ;
    De cet accouplement fortuit
    Provient cette figure obscène.

    Bien peu capable de tendresse,
    Lui qui fut sevré de caresses,
    Il vit sans amour et sans coeur.

    Jamais il ne deviendra père ;
    En le trépas son âme espère,
    Qui de ses maux sera vainqueur.

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Albert SAMAIN

Portait de Albert SAMAIN

Albert Samain, né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900, est un poète symboliste français. Son père étant décédé alors qu’il n’avait que 14 ans, il dut interrompre ses études pour gagner sa vie et devint employé de commerce. Vers 1880, il fut envoyé à Paris, où il décida de rester.... [Lire la suite]

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