L’étoile au coeur
Par les nuits sublimes d’été,
Sous leur dôme d’or et d’opale,
Je demande à l’immensité
Où sourit la forme idéale.Plein d’une angoisse de banni,
A travers la flore innombrable
Des campagnes de l’infini,
Je poursuis ce lis adorable…S’il brille au firmament profond,
Ce n’est pas pour moi qu’il y brille :
J’ai beau chercher, tout se confond
Dans l’océan clair qui fourmille.Ma vue implore de trop bas
Sa splendeur en chemin perdue,
Et j’abaisse enfin mes yeux las,
Découragés par l’étendue.Appauvri de l’espoir ôté,
Je m’en reviens plus solitaire,
Et cependant cette beauté
Que je crois si loin de la terre,Un laboureur insoucieux,
Chaque soir à son foyer même,
Pour l’admirer, l’a sous les yeux
Dans la paysanne qu’il aime.Heureux qui, sans vaine langueur,
Voyant les étoiles renaître,
Ferme sur elles sa fenêtre :
La plus belle luit dans son coeur.
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René-François SULLY PRUDHOMME
René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme, né à Paris le 16 mars 1839 et mort à Châtenay-Malabry le 6 septembre 1907, est un poète français, premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901. Fils d’un commerçant, René Armand Prudhomme, qui souhaite devenir ingénieur, fait ses études au lycée Bonaparte,... [Lire la suite]
Vaches du roi
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Le roi se délasse en été
En quittant son palais d'opale
Pour gagner les immensités
Des vertes prairies ancestrales.
Il trône sur un siège bas,
Surveillant à perte de vue
Les ruminants au corps bien gras,
Les vaches broutant l'étendue.
Heureux, ce brave roi pasteur !
Plus que sa reine, à la fenêtre,
Dont, mélancolique, le coeur
Longuement hésite à renaître.
Le seigneur de Proxima Centauri
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Ce maître sans pouvoir ne gouverne qu’en songe ;
Il règne sur un monde où ne vient pas l’humain,
Ou s’il le fait un jour, ce n’est pas pour demain.
N’ayant pas d’électeurs, il s’abstient du mensonge.
Les comètes perdues qui vers l’étoile plongent
Ne savent nullement maîtriser leur chemin,
Car aucun horloger n’y mit jamais la main,
Selon d’aveugles lois l’orbite se prolonge.
Rêve donc, bon seigneur, à ton simple horizon,
Ta rêverie jamais n’engage ta raison :
L’univers reste stable en ton âme placide.
Toi, tu n’auras jamais besoin d’un médecin,
Tu t’épargnes la crainte et les tourments malsains,
Noble patron d’un monde où rien ne se décide.
Le seigneur d’Epsilon Alaudae
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C’est ici l’univers du délire et du songe,
Lequel est au pouvoir d’un seigneur inhumain ;
Les messages d’espoir y sont sans lendemain,
L’étoile est appelée le Flambeau du Mensonge.
Les rares habitants dans leur tourment se plongent,
Priant pour rencontrer la Camarde en chemin ;
Cent mille faux récits couvrent des parchemins,
Qu’un scribe trace à l’heure où les ombres s’allongent.
Pourquoi n’allez-vous pas vers d’autres horizons,
Ainsi que, d’après moi, le voudrait la raison ?
Ils ne répondent rien, ces bipèdes placides.
D’atteindre un autre monde ils n’ont pas le dessein,
Ni d’avoir le secours de la Vierge ou des Saints,
Diluant leur chagrin dans un vin trop acide.