L’Ecclésiaste
L’Ecclésiaste a dit : Un chien vivant vaut mieux
Qu’un lion mort. Hormis, certes, manger et boire,
Tout n’est qu’ombre et fumée. Et le monde est très vieux,
Et le néant de vivre emplit la tombe noire.Par les antiques nuits, à la face des cieux,
Du sommet de sa tour comme d’un promontoire,
Dans le silence, au loin laissant planer ses yeux,
Sombre, tel il songeait sur son siège d’ivoire.Vieil amant du soleil, qui gémissais ainsi,
L’irrévocable mort est un mensonge aussi.
Heureux qui d’un seul bond s’engloutirait en elle !Moi, toujours, à jamais, j’écoute, épouvanté,
Dans l’ivresse et l’horreur de l’immortalité,
Le long rugissement de la Vie éternelle.
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Charles-Marie LECONTE DE LISLE
Charles Marie René Leconte de Lisle, né le 22 octobre 1818 à Saint-Paul dans l’Île Bourbon et mort le 17 juillet 1894 à Voisins, était un poète français. Leconte de Lisle passa son enfance à l’île Bourbon et en Bretagne. En 1845, il se fixa à Paris. Après quelques velléités lors des événements de 1848, il renonça... [Lire la suite]
Au jardin
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Où pourrions-nous être mieux
Que dans ce jardin, pour boire ?
Le barde oublie qu'il est vieux,
Laissant là les idées noires.
Dans la lumière des cieux
Naissent de belles histoires
Qu'illustrent l'astre radieux
Et les nuages d'ivoire.
Passer quelques jours ainsi,
(Composer des vers, aussi,
Sur de prestigieux modèles) ;
Puis, le soir, à la chandelle,
De ces mots tourbillonnants
Faire un texte rayonnant.
Ça ira bien mieux
quand après bien boire
force bons vins vieux
on sera bien noirs...
On aura les cieux
pour seul promontoire,
les cieux dans les yeux,
l'ébène en l’ivoire,
oui bien mieux ainsi...
La vie meurt aussi
et l’amour comme elle...
Ne s'en s’épouvanter :
l’immortalité
trop n’est éternelle.
Amphore de Pise
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Le gardien de la Tour est un bon petit vieux,
J’aime en sa compagnie me divertir et boire ;
Il a dans son cellier ce qu’on trouve de mieux,
Du vin couleur de sang, puis de la bière noire.
Il déclame des vers à la face des cieux,
D’illustres inconnus ou bien d’auteurs notoires ;
Les deux catégories se valent à ses yeux,
Presque toute écriture est pour lui méritoire.
La Tour est inclinée, les amphores aussi,
Sur l’oblique paroi nichent des hirondelles,
En bas pousse une rose, et c’est fort bien ainsi.
Les blagues du gardien ne sont jamais cruelles,
Chacun peut les entendre avec sérénité ;
De ce rare talent je voudrais hériter.
Voir aussi
https://paysdepoesie.wordpress.com/2013/07/07/paisible-vieillesse/
Oiseau de Leibniz
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Ici-bas, tout va pour le mieux,
Je peux me nourrir, je peux boire ;
Je ne sais si je vivrai vieux,
Mais en moi-même je veux croire.
Je suis comme un ange des cieux,
Je survole les promontoires ;
J’entends fort bien, j’ai de bons yeux,
Mon bec est plus dur que l’ivoire.
J’apprécie qu’il en soit ainsi,
Et tant pis pour les hirondelles ;
Tant pis pour les moineaux aussi.
Vous m’appelez « bête cruelle » ;
Je ne fais que m’alimenter,
Je vis dans la réalité.