L’angélus du matin
Fauve avec des tons d’écarlate,
Une aurore de fin d’été
Tempétueusement éclate
A l’horizon ensanglanté.La nuit rêveuse, bleue et bonne
Pâlit, scintille et fond dans l’air,
Et l’ouest dans l’ombre qui frissonne
Se teinte au bord de rose clair.La plaine brille au loin et fume.
Un oblique rayon venu
Du soleil surgissant allume
Le fleuve comme un sabre nu.Le bruit des choses réveillées
Se marie aux brouillards légers
Que les herbes et les feuillées
Ont subitement dégagés.L’aspect vague du paysage
S’accentue et change à foison.
La silhouette d’un village
Paraît. – Parfois une maisonIllumine sa vitre et lance
Un grand éclair qui va chercher
L’ombre du bois plein de silence.
Çà et là se dresse un clocher.Cependant, la lumière accrue
Frappe dans les sillons les socs
Et voici que claire, bourrue,
Despotique, la voix des coqsProclamant l’heure froide et grise
Du pain mangé sans faim, des yeux
Frottés que flagelle la bise
Et du grincement des moyeux,Fait sortir des toits la fumée,
Aboyer les chiens en fureur,
Et par la pente accoutumée,
Descendre le lourd laboureur,Tandis qu’un choeur de cloches dures
Dans le grandissement du jour
Monte, aubade franche d’injures,
A l’adresse du Dieu d’amour !
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Paul VERLAINE
Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Paul Verlaine est avant tout le poète des clairs-obscurs. L’emploi de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirment, rapprochant même, par exemple, l’univers des Romances sans paroles des plus... [Lire la suite]
Quand je suis dans mon lit, sur le point d’en sortir,
(D’y rester si longtemps ma conscience me blâme),
Contre un restant de rêve on me voit me blottir
Comme un naufragé dans une barque sans rames.
*
Ah, du temps, j’en ai eu bien assez pour dormir,
Mais c’est au fond du lit que se complaît mon âme;
La raison de cela, puis-je la définir ?
En dehors de mes draps, peu de choses m’enflamment.
*
Soyez donc indulgents pour cet aveu sincère,
Plus qu’arbre de plein air, je suis un fruit de serre;
D’un monde en vase clos j’apprécie les parfums.
*
Mais la chambre à présent s’anime et s’ensoleille,
Il n’est plus temps qu’un corps là-dedans s’ensommeille,
Le chat, par la fenêtre, annonce qu’il a faim.
Voir aussi
https://paysdepoesie.wordpress.com/2013/08/10/grasse-matinee/