L’Étape
Les longs récits autour du poêle, à la caserne,
La guinguette et l’amour ne sont plus de saison.
Boucle ton sac et sangle à tes reins la giberne ;
Conscrit, le régiment change de garnison.La route est sèche et blanche, et lointain l’horizon ;
Si tes pieds sont meurtris, marche dans la luzerne,
Et ne regarde pas le houx de la taverne ;
Les traînards ont la belle étoile pour maison.-Je suis du régiment de misère. La tombe,
Dernière étape, est loin encore, et je succombe
De fa4ue, de faim, de soif et de chaleur.Je marche, sans espoir que mon tourment s’apaise,
Et, comme un soldat fait de l’arme qui lui pèse,
Je ne puis que changer d’épaule ma douleur.
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François COPPÉE
François Édouard Joachim Coppée, né le 26 janvier 1842 à Paris où il est mort le 23 mai 1908, est un poète, dramaturge et romancier français. Coppée fut le poète populaire et sentimental de Paris et de ses faubourgs, des tableaux de rue intimistes du monde des humbles. Poète du souvenir d’une première rencontre... [Lire la suite]
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Brèves de toile
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Plusieurs de mes sonnets sont des histoires brèves,
Des portraits esquissés, des propos de saison.
Ma mémoire, envahie par ma vie et mes rêves,
Chaque jour se sature, et déborde à foison.
Personnages venant de tous les horizons,
Dans ce théâtre obscur, vous surgissez sans trêve,
Assis à la taverne, allongés sur la grève,
Ou sagement marchant vers la vieille maison.
Comme une fresque ornant les parois d’une tombe,
Mes mots disent vos traits qui jamais ne succombent
À l’oubli, certes non, telle est votre valeur !
Mais ce goût de narrer à certains jours s’apaise ;
Je me mets en repos, sans que rien ne me pèse,
Pas même le jardin où se fane une fleur.
Licorne d’abondance
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De la sainte licorne est la légende brève,
Elle offre des fruits mûrs en fonction des saisons.
Licorne d’abondance, éleveuse de rêves,
Elle dicte au rimeur des sonnets à foison.
Son manoir est au loin, derrière l’horizon,
Dans ce séjour obscur, elle chante sans trêve ;
Licorne de taverne et licorne de grève
Lui ont rendu visite en sa vieille maison.
Parfois, des pharaons voulaient que dans leur tombe
Les suivît cette fée qui jamais ne succombe
À la mélancolie, à l’ivresse des pleurs.
La voix de la licorne en de tels cas s’apaise ;
Elle reste immobile et se livre à l’ascèse,
Son esprit renonçant aux désirs sans valeur.
Mélancolie de la licorne
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La licorne parlait à son ami le chêne,
Je voyais alentour l’univers s’endormir.
Rien dans cette forêt jamais ne se déchaîne,
Monde de peu de peine et de peu de plaisir.
Un nuage survient, dans sa splendeur hautaine,
Occultant le soleil déjà près de mourir ;
Une atmosphère obscure enveloppe la plaine,
Les lièvres au lointain ne veulent plus courir.
De chêne et de licorne est longue l’existence,
Ils savent l’accepter sans craindre la souffrance ;
Un vieux barde jadis en fit une chanson.
De l’arbre je compris la parole inspirée
Qui par les animaux toujours fut admirée ;
Ce langage étonnant ne produit aucun son.