Je voudrais, si ma vie était encore à faire
I
Je voudrais, si ma vie était encore à faire,
Qu’une femme très calme habitât avec moi,
Plus jeune de dix ans, qui portât sans émoi
La moitié d’une vie au fond plutôt sévère.Notre coeur à tous deux, dans ce château de verre,
Notre regard commun, franchise et bonne foi,
Un et double, dirait comme en soi-même : Voi !
Et répondrait comme à soi-même : Persévère !Elle se tiendrait à sa place, mienne aussi,
Nous serions en ceci le couple réussi
Que l’inégalité, parbleu ! des caractèresNe saurait empêcher l’équilibre qu’il faut,
Ce point étant compris d’esprits en somme austères
Qu’au fond et qu’en tout cas l’indulgence prévaut.II
L’indulgence qui n’est pas de l’indifférence
Et qui n’est pas non plus de la faiblesse, ni
De la paresse pour un devoir défini,
Monitoire au plaisir, bénin à la souffrance.Non plus le scepticisme et ni préjugé rance
Et ni la chair honnie et ni l’ennui banni,
Mais grand’délicatesse et bel accord béni,
Toute mansuétude et comme vieille France.Nous serions une mer en deux fleuves puissants
Où le Bonheur et le Malheur, têtes de flotte,
Nous passeraient sans heurts, montés par le Bon Sens,Ubiquiste équipage, ubiquiste pilote,
Ubiquiste amiral sous ton sûr pavillon,
Amitié, non plus sous le vôtre, Amour brouillon.III
L’amitié ! Mais entre homme et femme elle est divine
Elle n’empêche rien, aussi bien, des rapports
Nécessaires, et sous les mieux séants dehors
Abrite les secrets aimables qu’on devine.Nous mettrions chacun du nôtre, elle très fine,
Moi plus naïf, et bien réglés en chers efforts,
Lesdits rapports dès lors si joyeux sans remords
Dans la simplesse ovine et la raison bovine.Si le bonheur était d’ici, ce le serait !
Puis nous nous en irions sans l’ombre d’un regret,
La conscience en paix et de l’espoir plein l’âme,Comme les bons époux d’il n’y a pas longtemps,
Quand l’un et l’autre d’être heureux étaient contents
Qui vivaient, sans le trop chanter, l’épithalame.
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Paul VERLAINE
Paul Marie Verlaine est un poète français, né à Metz le 30 mars 1844 et mort à Paris le 8 janvier 1896. Paul Verlaine est avant tout le poète des clairs-obscurs. L’emploi de rythmes impairs, d’assonances, de paysages en demi-teintes le confirment, rapprochant même, par exemple, l’univers des Romances sans paroles des plus... [Lire la suite]
III bis Monstre des sept sanctuaires
----------------------------
Je hante volontiers les demeures divines,
De salutaires lieux pour l’âme et pour le corps ;
J’apprécie surtout ceux dont sobre est le décor,
Ceux dans lesquels un dieu dans l’ombre se devine.
J’aime aussi, cependant, qu’un diable s’y confine,
Ou même, pourquoi pas, le Valet de la Mort ;
Le vin sacramentel, je le bois sans remords,
Surtout s’il s’assortit d’une galette fine.
Des prophètes, des saints, j’admire les portraits ;
C’est chargé de magie, mieux que de l’art abstrait,
Ces statues, ces tableaux sont le baume de l’âme.
Je fus iconoclaste, il y a fort longtemps,
J’ai changé d’attitude, et j’en suis bien content ;
Dans mon coeur j’entretiens une éternelle flamme.
II bis Comme une dame noble
--------
Licorne, dans l’indifférence,
Tu pars explorer l’infini ;
Ton parcours est mal défini,
D’ailleurs, tu aimes cette errance.
Lorsque Jeanne sauva la France,
Par toi son cheval fut béni :
À tous ceux qui furent bannis
Tu redonnas de l’assurance.
Tu ne flattes pas les puissants,
Mais les matelots de la flotte;
Du charpentier tu bois le sang
Au mât d’une nef sans pilote,
Tu hisses ton beau pavillon ;
Il est orné d’un papillon.
-----
I bis Fidélité aviaire
----------
L’oiselle pour l ’oiseau s’affaire,
Même, elle lui sert de surmoi ;
Ces deux partagent leurs émois
Sur les branches d’un conifère.
Tout le reste les indiffère
Et ne leur fait ni chaud ni froid ;
Ni du jardin, ni de la croix
Ils n’ont strictement rien à faire.
S’il vole, elle s’envole aussi,
Toujours ils agissent ainsi ;
C’est gravé dans leur caractère.
Ils ont donc tout ce qu’il leur faut,
Donc leur destin n’est pas austère ;
Ils le prennent pour ce qu’il vaut.
* * *
----
La vie, semble-t-il,
Est toujours « encore à faire »,
C'est tant mieux pour nous.
I bis Fidélité aviaire (retouche)
---------
L’oiselle pour l ’oiseau s’affaire,
Même, elle lui sert de surmoi ;
Ces deux partagent leurs émois
Sur les branches d’un conifère.
Tout le reste les indiffère
Et ne leur fait ni chaud ni froid ;
Ni du jardin, ni de la croix
Ils n’ont strictement rien à faire.
S’il vole, elle s’envole aussi,
Toujours ils agissent ainsi ;
C’est gravé dans leur caractère.
Ils ont bien tout ce qu’il leur faut,
Donc leur destin n’est pas austère ;
Ils le prennent pour ce qu’il vaut.
Je suis l'auteur de la retouche,
j'avais oublié de l'indiquer.
Championne du monde
Debout sur ses pédales, attends, Marie-Divine,
Le signal du départ, le moment où son corps
Se bandera afin que soit vif son essor,
Comparable à celui d'une leste féline.
C'est à la perfection que le début confine,
Elle appuis puissamment (vulgairement, à mort),
Au risque de tomber, de l'anneau, sur le bord,
Une chute serait pour le gain assassine.
Au bout d'un demi-tour, elle est bien lancée, très !
Son rêve de gagner est déjà plus concret,
Cependant du chemin cela n'est que l'entame.
À l'arrivée elle a le moins mauvais des temps,
Mais du dernier partant, le produit, elle attends,
Comme il est supérieur, ses supporters l’acclament.
misquette.wordpress.com
Voir
https://paysdepoesie.wordpress.com/2022/10/16/comme-une-dame-noble/
... et aussi
https://paysdepoesie.wordpress.com/2022/10/15/monstre-des-sept-sanctuaires/
Ainsi que
https://paysdepoesie.wordpress.com/2022/10/17/fidelite-aviaire/