Je vais sur la pelouse humide de rosée
Je vais sur la pelouse humide de rosée,
D’un pas léger, les yeux riants, l’âme brisée
De tendresse, de joie indicible et d’amour.
Le jour descend en moi comme un baiser, le jour
Me pénètre et m’enlève à la terre. J’adore.
Le jardin resplendit sous le ciel frais. L’aurore
A troué les pins drus et noirs d’un rouge orteil.
Une perle d’eau claire étincelle au soleil.
L’herbe est comme une mer où l’onde poursuit l’onde.
L’allée a de lascifs contours de femme blonde.
Le lierre en feu frissonne à la crête d’un mur.
Un oiseau que le vent balance dans l’azur
Chante sur le bouleau sans feuille encor. Je rêve,
Au sein d’une lumière heureuse, ivre de sève
Et d’air, le front tourné vers l’orient, et tel
Qu’un jeune dieu qui vit son matin immortel.Ainsi, dans le jardin lustré de pousses vertes,
Je vais, joignant les mains et les lèvres ouvertes
Pour répandre l’amour dont mon coeur s’est gonflé
Devant l’aube, le vierge azur, le lierre ailé.
L’oiseau chante, le ciel sourit et l’herbe pleure.
» Seigneur, dis-je, votre oeuvre est belle et voici l’heure,
Père infiniment bon et sublime ouvrier,
Où je voudrais des mots surhumains pour prier,
Des vers religieux et purs comme les psaumes
Qu’entonnent sous le vent les pins aux vastes dômes.
Par un hymne de joie et d’adoration,
Rendre grâce à l’auteur de la création,
Oui, Seigneur ! Mais je porte, hélas ! pauvre poète,
La malédiction d’une langue muette :
Tout ce qui chante en moi de confuse beauté
S’éteint dans mon esprit avant d’avoir été,
Et ce brin d’herbe avec la perle qui le courbe,
Rit de ma plume où point une goutte de tourbe. »Ayant dit, et soudain déchu de mon orgueil,
Je m’arrête et j’embrasse encor, d’un long coup d’oeil,
Le grand jardin natal aux brillantes allées ;
Derrière elle laissant les heures écoulées,
L’ombre plus courte atteint le milieu du cadran.
Chaque toit bleu chatoie au soleil comme un paon ;
Et tandis que le ciel de midi sur le sable
Epanche en flots de feu son urne intarissable,
Indifférente au drame obscur de mon esprit,
La nature féconde et forte me sourit.
Poème préféré des membres
karo02 a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Charles GUÉRIN
Charles Guérin, né le 29 décembre 1873 à Lunéville (Meurthe-et-Moselle), où il est mort, le 17 mars 1907 est un poète français. Il appartient à une grande dynastie d’industriels lorrains, propriétaire de la célèbre Faïencerie de Lunéville-Saint-Clément, connue aussi sous le nom Keller et Guérin. Au sein de sa... [Lire la suite]
- Ce soir, sur le chemin sonore du coteau
- Sois pure comme la rosée
- Je t'apporte, buisson de roses funéraires
- Entrerai-je, ce soir, Seigneur, dans ta...
- Le soir léger, avec sa brume claire et bleue
- Vous qui sur mon front, toute en larmes
- Eté des vieilles joies
- Ma douce enfant, ma pauvre enfant...
- Ah ! Seigneur, Dieu des coeurs robustes,...
- Parfois, sur les confins du sommeil qui...
- Le lait des chats (5)
- Souvent, le front posé sur tes genoux... (2)
- L'amour nous fait trembler comme un jeune... (2)
- Ce coeur plaintif, ce coeur d'automne (2)
- Avant que mon désir douloureux soit comblé (2)
- Un soir, au temps du sombre équinoxe... (1)
- Ton image en tous lieux peuple ma solitude (1)
- Ton coeur est fatigué des voyages... (1)
- Le vent est doux comme une main de femme (1)
- La voix du soir (1)
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire