Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle
Je plante en ta faveur cet arbre de Cybèle,
Ce pin, où tes honneurs se liront tous les jours :
J’ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours,
Qui croîtront à l’envi de l’écorce nouvelle.Faunes qui habitez ma terre paternelle,
Qui menez sur le Loir vos danses et vos tours,
Favorisez la plante et lui donnez secours,
Que l’Été ne la brûle, et l’Hiver ne la gèle.Pasteur, qui conduiras en ce lieu ton troupeau,
Flageolant une Eglogue en ton tuyau d’aveine,
Attache tous les ans à cet arbre un tableau,Qui témoigne aux passants mes amours et ma peine ;
Puis l’arrosant de lait et du sang d’un agneau,
Dis : » Ce pin est sacré, c’est la plante d’Hélène. «
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Pierre de RONSARD
Pierre de Ronsard (né en septembre 1524 au manoir de la Possonnière, près du village de Couture-sur-Loir en Vendômois et mort le 28 décembre 1585 au Prieuré de Saint-Cosme en Touraine), est un des poètes français les plus importants du XVIe siècle. « Prince des poètes et poète des princes », Pierre de Ronsard, adepte de... [Lire la suite]
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Arbre d’inframonde
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C’est l’arbre d’inframonde, et sa ramure est belle,
Mais il ne voit jamais la lumière du jour ;
C’est un arbre sans fruit, sans fleur et sans amour
Qui de notre univers n’a jamais de nouvelles.
Un froid seigneur lui dit, de sa voix paternelle,
Que l’inframonde aura de la gloire, à son tour,
Que le serpent d’antan lui portera secours
Et le dieu du trou noir que le cosmos congèle.
Le seigneur a promis des fleurs et des troupeaux,
Un roi plein de douceur, une mignonne reine,
Il rehausse à plaisir les couleurs du tableau.
Or, ce n’est que mensonge, et l’arbre est dans la peine :
Pour lui ne coulera le sang d’aucun agneau,
Nulle vierge, non plus, ne sera sa marraine.
Arbres de Grande Garabagne
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La Grande Garabagne a des forêts fort belles,
Capables d’occulter la lumière du jour ;
Au coeur de la forêt sont les arbres d’amour
Qui au regard du monde offrent des fleurs nouvelles.
De telles floraisons ne sont pas éternelles
Et je peux voir les fleurs se faner tour à tour ;
Prier pour leur survie, ce n’est d’aucun secours,
Pour nous autres non plus, quand la mort nous appelle.
Les gens de Garabagne élèvent des troupeaux,
C’est pour alimenter les festins de la reine ;
Et ces gens couperont les arbres les plus beaux
Pour nourrir les fourneaux, ce n’est pas chose vaine :
Dans le bois pleureront le faune aux durs sabots
Et la dryade aussi, qui de l’arbre est marraine.
Agneau d’inframonde
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C’est l’agneau d’inframonde en sa candeur nouvelle,
Obscures sont ses nuits et sombres sont ses jours ;
D’une brebis, jamais il n’a connu l’amour
Et nul berger non plus ne l’entend quand il bêle.
Les gens d’ici n’ont point la fibre paternelle,
Ne perdant point leur temps en bienveillants discours;
Mais il grandit pourtant, cet agneau sans secours,
Tout en s’accommodant de cette nuit cruelle.
Serait-il plus heureux au sein de nos troupeaux?
A-t-il rêvé d’avoir une fée pour marraine ?
Aimerait-il du pâtre entendre le pipeau ?
Quoi qu’il en soit, pour lui, nul ne se met en peine,
Sauf certains jours, dit-on, le bouffon de la reine
Narrant son aventure aux clients d’un tripot.
Arbre de la transcendance
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De cet arbre les fleurs sont étrangement belles,
Rafraîchissant Adam chaque fois qu’il fait lourd ;
À l’oiseau qui lui parle il inspire l’amour,
Il n’est pas effrayé par le démon rebelle.
Son fruit n’est point celui de la vie éternelle,
Ni du savant esprit, ni des brillants discours ;
Mais à l’âme de l’homme il peut porter secours,
Dans le soir languissant ou dans la nuit cruelle.
Ses feuilles ne seront jamais des oripeaux,
Elles vont librement où le vent les entraîne
Et se couchent au sol pour trouver le repos.
Arbre de transcendance, on le connaît à peine,
Il ne fut pas planté pour des rois et des reines,
Mais pour la libellule et le sage crapaud.
Complainte du pommier
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Je suis, après la Chute, un arbre solitaire,
Je ne suis point de ceux qu’on trouve dans les bois ;
De la Dame au jardin je n’entends plus la voix,
Elle qui n’avait point coutume de se taire.
Les anges parlent moins, pauvres célibataires,
Répétant gauchement leur louange à la noix ;
Quant au seigneur Serpent, rarement je le vois,
Il vient en visiteur, il n’est plus locataire.
D’Eve nous regrettons la grâce et la beauté,
Puis le rire d’Adam qui fut à son côté ;
Je crois que ces deux-là sont devenus sauvages.
Ils ont eu de la peine à quitter ce séjour,
Car ils avaient rêvé d’y rester pour toujours,
Avec les meilleurs fruits concoctant leurs breuvages.
Arbre de vie
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Vois comme ma ramure est belle,
C’est fort et ce n’est pas trop lourd ;
Je suis la vie, je suis l’amour,
Je suis l’esprit qui se rebelle.
Ma beauté n’est pas éternelle,
Les jours se suivent, le temps court ;
Contre cela, pas de recours,
Car nos trois Parques sont cruelles.
Je vois les hommes en troupeau
S’occuper à des choses vaines,
Gagner du fric, sauver leur peau.
Ces malheureux perdront leur peine,
La fatalité les entraîne ;
Ça ne trouble pas mon repos.