Je payai le pêcheur qui passa son chemin
Je payai le pêcheur qui passa son chemin,
Et je pris cette bête horrible dans ma main ;
C’était un être obscur comme l’onde en apporte,
Qui, plus grand, serait hydre, et, plus petit, cloporte ;
Sans forme, comme l’ombre, et, comme Dieu, sans nom.
Il ouvrait une bouche affreuse, un noir moignon
Sortait de son écaille ; il tâchait de me mordre ;
Dieu, dans l’immensité formidable de l’ordre,
Donne une place sombre à ces spectres hideux ;
Il tâchait de me mordre, et nous luttions tous deux ;
Ses dents cherchaient mes doigts qu’effrayait leur approche ;
L’homme qui me l’avait vendu tourna la roche ;
Comme il disparaissait, le crabe me mordit ;
Je lui dis : — Vis ! et sois béni, pauvre maudit ! -
Et je le rejetai dans la vague profonde,
Afin qu’il allât dire à l’océan qui gronde,
Et qui sert au soleil de vase baptismal,
Que l’homme rend le bien au monstre pour le mal.
Jersey, grève d’Azette, juillet 1855.
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Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
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Lord Crab
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Je ne fais pas dans la dentelle,
Un rocher me sert de palais ;
Ne me dis pas que je suis laid,
Fort belle est mon âme immortelle.
Je souris quand je me rappelle
Le mal d’amour qui me brûlait ;
J’offrais de ravissants galets
À la crabette la plus belle.
Les pêcheurs avec leur bateau
Pour nous prendre se lèvent tôt ;
C’est à l’aube qu’ils appareillent.
Mais il ne m’auront pas, c’est clair :
Ils iront, ça m’en a tout l’air,
Au port vider quelques bouteilles.