Je n’ai repos ni nuit ni jour…
Je n’ai repos ni nuit ni jour,
Je brûle, je me meurs d’amour,
Tout me nuit, personne ne m’aide,
Le mal m’ôte le jugement,
Et plus je cherche de remède,
Moins je trouve d’allégement.Je suis désespéré, j’enrage,
Qui me veut consoler m’outrage,
Si je pense à ma guérison,
Je tremble de cette espérance,
Je me fâche de ma prison,
Et ne crains que ma délivrance.Orgueilleuse et belle qu’elle est,
Elle me tue, elle me plaît,
Ses faveurs qui me sont si chères,
Quelquefois flattent mon tourment,
Quelquefois elle a des colères
Qui me poussent au monument.Mes amoureuses fantaisies,
Mes passions, mes frénésies,
Qu’ai-je plus encore à souffrir?
Dieux, destins, amour, ma maîtresse,
Ne dois-je jamais ni guérir,
Ni mourir du trait qui me blesse?Mais suis-je point dans un tombeau?
Mes yeux ont perdu leur flambeau,
Et mon âme Iris l’a ravie,
Encor voudrais-je que le sort
Me fît avoir plus d’une vie
Afin d’avoir plus d’une mort.Plût aux dieux qui me firent naître,
Qu’ils eussent retenu mon être
Dans le froid repos du sommeil,
Que ce corps n’eût jamais eu d’âme,
Et que l’Amour ou le Soleil
Ne m’eussent point donné leur flamme.Tout ne m’apporte que du mal,
Mon propre démon m’est fatal,
Tous les astres me sont funestes,
J’ai beau recourir aux autels,
Je sens que pour moi les célestes
Sont faibles comme les mortels.O destins! tirez-moi de peine,
Dites-moi si cette inhumaine
Consent à mon affliction:
Je bénirai son injustice,
Et n’aurai d’autre passion
Que de courir à mon supplice.Las! je ne sais ce que je veux,
Mon âme est contrainte à mes vœux,
Ce que je crains je le demande,
Je cherche mon contentement,
Et quand j’ai du mal j’appréhende
Qu’il finisse trop promptement.
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Théophile de Viau, né entre mars et mai 1590 à Clairac et mort le 25 septembre 1626 à Paris, est un poète et dramaturge français. Poète le plus lu au XVIIe siècle, il sera oublié suite aux critiques des Classiques, avant d’être redécouvert par Théophile Gautier. Depuis le XXe siècle, Théophile de Viau est défini... [Lire la suite]
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