J’arrive où je suis étranger
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre pour le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger
Un jour tu passes la frontière
D’où viens-tu mais où vas-tu donc
Demain qu’importe et qu’importe hier
Le coeur change avec le chardon
Tout est sans rime ni pardon
Passe ton doigt là sur ta tempe
Touche l’enfance de tes yeux
Mieux vaut laisser basses les lampes
La nuit plus longtemps nous va mieux
C’est le grand jour qui se fait vieux
Les arbres sont beaux en automne
Mais l’enfant qu’est-il devenu
Je me regarde et je m’étonne
De ce voyageur inconnu
De son visage et ses pieds nus
Peu a peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d’antan
Tomber la poussière du temps
C’est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C’est comme une eau froide qui monte
C’est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu’on corroie
C’est long d’être un homme une chose
C’est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
Ô mer amère ô mer profonde
Quelle est l’heure de tes marées
Combien faut-il d’années-secondes
À l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre pour le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger.
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ATOS, ecnaida, Nanouchkafab44, verlaine2017, JuCharline83 et nellia24 ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.
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Louis ARAGON
Louis Aragon est un poète, romancier, journaliste et essayiste français, né le 3 octobre 1897 à Neuilly-sur-Seine et mort le 24 décembre 1982 à Paris. Il est également connu pour son engagement et son soutien au Parti communiste français de 1930 jusqu’à sa mort. Avec André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault, il fut... [Lire la suite]
Aujourd'hui Loulou a écrit un poême :
Rien comme fondre n'est léger
Un jour tu passes la frontière
Un monde se clôt Qu’importe hier
Le coeur change après le pardon
Pose-le ton doigt sur la rampe
C’est un grand jour quand tu vas mieux
Les nuits trop longues nous font cieux
C’est un grand jour quand on fait vieux
Les beaux arbres sont en automne
Mais l’enfant et tu t’en étonnes
De ce voyageur inconnu
Mais son visage ses pieds nus
Peu à peu tu t'y fais pourtant
Mais pas assez vite Silence
Pour ressentir ta ressemblance
Avec ton moi-même d’antan
Tombe la poussière du temps
C’est long vieillir entre deux tempes
Le sable en fuit au long des doigts
C’est comme qui monte une eau froide
C’est comme qui croît cette honte
Du cuir quand s'écrit la courroie
C’est long d’être un homme qui compte
C’est long d’être un drame une chose
Qui renonce aux métamorphoses
Qui se font au-dessous de soi
Laissons se plier nos genoux
Ô mère ou maire ou mer profonde
C'est à quelle heure ta marée
Combien encor d'années-pénombre
Au singe pour l’homme accepter
Et puis pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme un givre
Rien comme un vent n'est si léger
J’arrive où je suis étrange.
Excellent !
Bonjour
Très beau poème sur la vieillesse. Je note une petite erreur au troisième vers : c'est "Pourle givre" et non "Comme le givre", sinon il y aurait une syllabe de plus et le vers passerait à neuf pieds au lieu de huit.
Et puis quoi de plus beau Que ce chiasme "Fondre pour le givre et le pour le vent, être..."
Pouvez-vous corriger ? Merci
JLB
Il me semble qu'il y a une autre erreur : 'Le sable enfui entre nos doigts' et non ''Le sable en fuit entre nos doigts', qui est grammaticalement très douteux et ne fait guère sens avec les vers qui suivent.
ce poème n'est pas extrait du "Voyage en Hollande" mais de "La Diane Françise"
ok dud
À Jean Sireuil
Ce poème est bien extrait du "Voyage en Hollande". C'est le cinquième poème du chapitre "D'un enfer" qui en comporte onze, aux Édition Seghers, Poésie d'abord, octobre 2005, page 93. J’ai par ailleurs " La Diane française" également aux Éditions Seghers, Poésie d’abord, juillet 2012 ; ce poème n’y figure pas.