Inconscience
L’âme et le coeur si las des jours, si las des voix,
Si las de rien, si las de tout, l’âme salie ;
Quand je suis seul, le soir, soudainement, parfois,
Je sens pleurer sur moi l’oeil blanc de la folie.Celui, si triste hélas ! qui s’en alla, là-bas,
- Pâle oeil désenchanté de la raison méchante -
Rêver à quelque chose, au loin, qu’on ne voit pas
A quelque chose au loin qui tremble et pleure et chante.Morne crapaud blotti sous les roses, tout seul !
Si seul ! – morne crapaud pleureur de lune, appelle !
Appelle ! Et vous, petites fleurs, pour le linceul
De mon cerveau, l’ensevelisseuse vient-elle ?Être l’errant au monde et le pauvre de soi,
Avec le feu bougeant d’une âme, qui tremblote
Derrière une main frêle et ballotte son moi ;
Qui tremblote comme un reflet dans l’eau ballotte.Passer inconscient et se faire l’ami
De ce qui vole et rampe et fuit, là-bas. Naguère,
Avant que ne sortît du somme, l’endormi,
Le premier homme, on a vu mes pareils sur terre.Ayez amour pour eux, ayez amour un peu !
Ils sont les charmeurs lents, là-bas, des brises lentes :
Leurs doigts, qui n’ont jamais touché le mauvais feu,
Dansent des airs lointains, sur des flûtes tremblantes:Les puérils et les vaguants, mais loin du mal,
Et les doux égarés, par les bruyères vertes :
Hamlet rirait Peut-être, hélas ! mais Parsifal ?
Ô Parsifal bénin et clair, comprendrait certes !
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Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
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