Poème 'Impromptu' de Louis-Honoré FRÉCHETTE dans 'Feuilles volantes'

Impromptu

Louis-Honoré FRÉCHETTE
Recueil : "Feuilles volantes"

(à bord du Québec, le 2 juillet 1866.)

Le Couchant luit là-bas comme un vaste incendie;
Le soleil sur les flots sème un rayon mourant;
Les derniers bruits du jour chantent leur mélodie;
Et, dressant fièrement sa carène hardie,
Le Québec fend au vol les eaux du Saint-Laurent.

Le long panache dont sa tête est couronnée
Déroule dans les airs ses ondoyants réseaux;
Il tourmente à grand bruit la vague déchaînée…
Il passe, il fuit, laissant une longue traînée
Noire dans le ciel pur et blanche sur les eaux.

Ô fleuve, qu’ils sont loin les jours où nul servage
N’avait encor dompté ton orgueil éclatant;
Où de légers wigwams ornaient seuls ton rivage;
Où tu n’avais bercé sur ta houle sauvage
Que la frêle pagaie et le bouleau flottant!

Penchant leur front pensif sur ton urne qui gronde,
Ô vieux Niagara, qu’ont donc dit tes forêts,
En voyant, jusqu’au fond de ta grotte profonde,
Ta sombre royauté crouler comme ton onde,
Et s’incliner devant le sceptre du progrès?

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