Imperia
À mon ami A. Maingard.
Sur le divan, pareille à la noire panthère
Qui se caresse aux feux du soleil tropical,
Dans un fauve rayon enveloppant le bal,
Elle emplit de parfums le boudoir solitaire.
Elle rêve affaissée au milieu des coussins ;
Et sa narine s’enfle, et se gonflent ses seins
Au rythme langoureux de la valse lointaine.
Les rires étouffés, les longs chuchotements
Qui voltigent là-bas à l’entour des amants,
Rehaussent le dédain de sa lèvre hautaine.
Paisible, dans la nuit où se plonge son cœur,
Sphinx cruel, elle attend son Oedipe vainqueur.
Elle hait les aveux et les fades paroles,
Les serments, les soupirs connus, les soins d’amour.
Reine muette, elle a pour ces flatteurs d’un jour
Le mépris sans pitié des superbes idoles.
Dardant ses larges cils sous un front olympien,
Elle cherche un regard qui devine le sien.Car elle saura lire au fond de ce silence
Chargé des mêmes mots qui dorment dans ses yeux,
Et confondra sa flamme aux feux mystérieux
Qui sauront pénétrer sa sinistre indolence.
Sans répondre, elle écoute aux aguets, sous son fard,
Les vulgaires don juan au manège bavard.
Dans les plis fastueux du velours elle ondule ;
Et son soulier lascif agaçant le désir
Mêle avec le refus ou l’offre du plaisir
La pourpre de la honte au sourire crédule.
Aux profondes senteurs qui baignent tout son corps,
Elle enivre les sots asservis sans efforts ;
Et de ses noirs cheveux, de sa gorge animée,
De ses jupons parfois savamment découverts,
Sortent les espoirs fous les mécomptes pervers
De l’alcôve entrevue aussitôt refermée.
Telle, exerçant sa force, au cœur des imprudents
Elle aiguise à ces jeux ses ongles et ses dents.
Mais quand elle verra d’une encoignure sombre
Se prolonger l’éclair de l’ardeur qui lui plaît,
Et, dès le premier choc, tressaillir le reflet
D’une âme tout entière émergeant vers son ombre,
Ses paupières longtemps se lèveront vers lui ;
Et lorsqu’en l’autre jet l’épouvante aura lui,
Sans rien dire, gardant le secret de sa joie,
Se repaissant déjà de sa férocité,
Souple, la fascinant de sa tranquillité,
Calme, à pas lents, alors elle ira vers sa proie.
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Léon DIERX
Léon Dierx, né à Saint-Denis de La Réunion le 31 mars 1838 et mort à Paris le 12 juin 1912, est un poète parnassien et peintre académique français. Léon Dierx naît dans la villa de Saint-Denis aujourd’hui appelée villa Déramond-Barre, que son grand-père a rachetée en 1830. Il y vit jusqu’en 1860, année de son... [Lire la suite]
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