Il n’est pas vrai qu’on soit orgueilleux d’aimer tant
Il n’est pas vrai qu’on soit orgueilleux d’aimer tant,
Et que d’un œil d’aigle on regarde
Les passants affairés, indifférents, contents,
Noyés de lumière blafarde.Il n’est pas vrai qu’un grave et poignardant amour
Isole noblement le rêve;
Nul ne dit les combats dont l’assaille sans trêve
Le désir, conflit sombre et sourd!Il n’est pas vrai que l’âme altière et transportée
Bénisse son cruel fardeau.
Même si l’on paraît éblouie et hantée,
L’on ne vit qu’en courbant le dos.Comment se réjouir d’avoir livré sa chance
À l’étranger vague et secret
Qui, selon sa rieuse ou grave nonchalance,
Nous emmêle à son sort distrait?— Ah ! pouvoir n’aimer pas celui qu’on aime! N’être
Pas l’esclave d’un beau vivant!
Vivre libre, espérer, choisir, vouloir, connaître!
Fendre l’azur comme le vent!Ne pas être liée avec de durs cordages,
Secs et fermés comme des poings,
Au charme inévitable et fortuit d’un visage,
Qu’on eût pu ne rencontrer point!N’avoir pas transféré sa digne solitude,
Unique et nombreuse à la fois,
Dans un corps dont les yeux, la voix, la lassitude
Semblent sacrés ou bien narquois!Ne pas être obligée à constater sans cesse
Que rien ne nous est plus soumis,
Et que, ne nous laissant qu’une atroce paresse,
Notre cœur bat dans l’ennemi!…
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Anna de NOAILLES
La comtesse Anna-Élisabeth de Noailles, née princesse Bibesco Bassaraba de Brancovan, est une poétesse et romancière française, d’origine roumaine, née à Paris le 15 novembre 1876 et morte à Paris le 30 avril 1933. Née à Paris, descendante des familles de boyards Bibescu et Craioveşti de Roumanie, elle est la fille du... [Lire la suite]
- Nous t'avons bien redouté
- Parce que dès l'enfance et d'instinct tu...
- Moi seule je connais ta langoureuse allure
- Je voudrais mourir, mais non pas
- Ce n'est peut-être pas le tribut que...
- Certes j'aime ce que je pense
- Si j'apprenais soudain que, triste,...
- Si tu rencontrais par moment
- Ce n'est pas lorsque tu semblais
- Je ne puis jamais reposer
- La jeunesse (3)
- Tu as ta force, j'ai ma ruse (3)
- L'amour, vorace et triste, en son humble... (3)
- Le Jardin et la Maison (2)
- Le Cœur (2)
- Le Temps de vivre (2)
- J'ai travesti, pour te complaire (2)
- Que crains-tu ? L'excès ? l'abondance (2)
- Pourquoi ce besoin fort et triste (2)
- On est bon si l'on est tranquille (2)
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire