Il est d’étranges soirs …
Il est d’étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Où dans l’air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d’un soupir
Le coeur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Et, ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Où l’âme a des gaietés d’eaux vives dans les roches,
Où le coeur est un ciel de Pâques plein de cloches,
Où la chair est sans tache et l’esprit sans reproches.
Il est de clairs matins, de roses se coiffant,
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant.Il est de mornes jours, où las de se connaître
Le coeur, vieux de mille ans, s’assied sur son butin,
Où le plus cher passé semble un décor déteint,
Où s’agite un minable et vague cabotin.
Il est de mornes jours las du poids de connaître,
Et, ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre.Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Où l’âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l’infini terrible suspendue,
Sent le vent de l’abîme, et recule éperdue !
Il est des nuits de doute, où l’angoisse vous tord,
Et, ces nuits-là, je suis dans l’ombre comme un mort.
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Albert SAMAIN
Albert Samain, né à Lille le 3 avril 1858, mort à Magny-les-Hameaux le 18 août 1900, est un poète symboliste français. Son père étant décédé alors qu’il n’avait que 14 ans, il dut interrompre ses études pour gagner sa vie et devint employé de commerce. Vers 1880, il fut envoyé à Paris, où il décida de rester.... [Lire la suite]
Danse onirique et noire, et pure, et silencieuse,
Cerveau unique où deux esprits sont enlacés ;
Un lien sans avenir, sans contact, sans passé,
Gardé par quatre cents missives sentencieuses.
*
Dans le creux de la nuit, interjections fiévreuses,
Désespoir de dormir à soi-même embrassé ;
Traversant en apnée, tel un grand cétacé,
La longue nuit d'hiver et ses fosses ombreuses.
*
Ermites vont plaidant une saine abstinence
Qui permettrait d'atteindre une humble transcendance ;
Le mérite survienne à qui survit ainsi.
*
Je m'assieds dans le noir, j'allume une lanterne,
Et je laisse flotter mes sentiments en berne :
La transcendance est là, dans cette voie aussi.
Voir
https://paysdepoesie.wordpress.com/2013/07/08/dans-le-creux-de-la-nuit/