Gueux
Un soir d’hiver, quand de partout,
Les corbeaux s’enfuient en déroute,
Dans un fossé de la grand’route,
Près d’une borne, n’importe où
Pleurant avec le vent qui blesse
Leurs petits corps chétifs et nus,
Pour souffrir des maux trop connus,
Les gueux naissent.Pour narguer le destin cruel,
Le Dieu d’en haut qui les protège
En haut de leur berceau de neige
Accroche une étoile au ciel
Qui met en eux sa chaleur vive,
Et, comme les oiseaux des champs,
Mangeant le pain des bonnes gens
Les gueux vivent.Puis vient l’âge où, sous les haillons,
Leur coeur bat et leur sang fermente,
Où dans leur pauvre âme souffrante,
L’amour tinte ses carillons
Et dit son éternel poème ;
Alors blonde fille et gars brun,
Pour endolir leur chagrin
Les gueux s’aiment !Mais bientôt, et comme toujours,
- Que l’on soit riche ou misérable -
L’amour devient intolérable
Et même un poison à leurs jours,
Et sous tous leurs pas creuse un gouffre :
Alors, quand ils se sont quittés,
Pour les petits qui sont restés
Les gueux souffrent !Et, quand le temps les a fait vieux,
Courbant le dos, baissant la tête
Sous le vent qui souffle en tempête,
Ils vont dormir un soir pluvieux,
Par les fossés où gît le Rêve,
Dans les gazons aux ors fanés,
Et – comme autrefois ils sont nés -
Les gueux crèvent !…
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Gaston COUTÉ
Gaston Couté, né à Beaugency le 23 septembre 1880, mort à Paris 10e le 28 juin 1911, est un poète libertaire et chansonnier français. Gaston Couté est le fils d’un meunier. Avant le baccalauréat, il quitte l’école, qu’il détestait. Il est employé comme commis auxiliaire à la Recette générale des impôts... [Lire la suite]
Commentaires
Aucun commentaire
Rédiger un commentaire