Poème 'Fleur Fatale' de Émile VERHAEREN dans 'Les Débâcles'

Fleur Fatale

Émile VERHAEREN
Recueil : "Les Débâcles"

L’absurdité grandit comme une fleur fatale
Dans le terreau des sens, des coeurs et des cerveaux ;
En vain tonnent, là-bas, les prodiges nouveaux ;
Nous, nous restons croupir dans la raison natale.

Je veux marcher vers la folie et ses soleils,
Ses blancs soleils de lune au grand midi, bizarres,
Et ses échos lointains, mordus de tintamarres
Et d’aboiements et pleins de chiens vermeils.

Iles en fleurs, sur un lac de neige ; nuage
Où nichent des oiseaux sous les plumes du vent ;
Grottes de soir, avec un crapaud d’or devant,
Et qui ne bouge et mange un coin du paysage.

Becs de hérons, énormément ouverts pour rien,
Mouche, dans un rayon, qui s’agite, immobile
L’insconscience douce et le tic-tac débile
De la tranquille mort des fous, je l’entends bien !

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Commentaires

  1. La versification est une fleur fatale
    Dont le parfum enivre et endort le cerveau.
    Chez le vieux Verhaeren, ce fait n'est pas nouveau,
    Le culte de la rime est sa folie natale.

    S'il observe un corbeau dévorant le soleil,
    Il ne parvient pas même à trouver ça bizarre.
    Aussitôt, concentré malgré le tintamarre,
    Il cherche ce qui rime avec l'astre vermeil.

    S'il voit un fou qui a pour cervelle un nuage,
    Il ne l'avertit pas du danger qu'est le vent.
    Il fronce les sourcils, cherchant, comme devant,
    Si quelque mot qui rime est dans le paysage.

    Et son texte se forme et c'est souvent pour rien.
    Son cerveau tout vibrant et son corps immobile
    Ont ensemble entrepris un voyage débile
    Vers la tranquille mort des fous, je l'entends bien !

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