Fleur Fatale
L’absurdité grandit comme une fleur fatale
Dans le terreau des sens, des coeurs et des cerveaux ;
En vain tonnent, là-bas, les prodiges nouveaux ;
Nous, nous restons croupir dans la raison natale.Je veux marcher vers la folie et ses soleils,
Ses blancs soleils de lune au grand midi, bizarres,
Et ses échos lointains, mordus de tintamarres
Et d’aboiements et pleins de chiens vermeils.Iles en fleurs, sur un lac de neige ; nuage
Où nichent des oiseaux sous les plumes du vent ;
Grottes de soir, avec un crapaud d’or devant,
Et qui ne bouge et mange un coin du paysage.Becs de hérons, énormément ouverts pour rien,
Mouche, dans un rayon, qui s’agite, immobile
L’insconscience douce et le tic-tac débile
De la tranquille mort des fous, je l’entends bien !
Poème préféré des membres
Aucun membre n'a ajouté ce poème parmi ses favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Émile VERHAEREN
Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d’Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d’expression française. Dans ses poèmes influencés par le symbolisme, où il pratique le vers libre, sa conscience sociale lui fait évoquer les grandes villes... [Lire la suite]
- J'ai cru à tout jamais notre joie engourdie
- Les Meules qui Brûlent
- Les Vêpres
- Les Saints, les Morts, les Arbres et le Vent
- Sois-nous propice et consolante encor...
- S'il était vrai
- La glycine est fanée et morte est...
- Si d'autres fleurs décorent la maison
- Lorsque ta main confie, un soir...
- L'Ombre est Lustrale et l'Aurore Irisée
La versification est une fleur fatale
Dont le parfum enivre et endort le cerveau.
Chez le vieux Verhaeren, ce fait n'est pas nouveau,
Le culte de la rime est sa folie natale.
S'il observe un corbeau dévorant le soleil,
Il ne parvient pas même à trouver ça bizarre.
Aussitôt, concentré malgré le tintamarre,
Il cherche ce qui rime avec l'astre vermeil.
S'il voit un fou qui a pour cervelle un nuage,
Il ne l'avertit pas du danger qu'est le vent.
Il fronce les sourcils, cherchant, comme devant,
Si quelque mot qui rime est dans le paysage.
Et son texte se forme et c'est souvent pour rien.
Son cerveau tout vibrant et son corps immobile
Ont ensemble entrepris un voyage débile
Vers la tranquille mort des fous, je l'entends bien !