Fable ou Histoire
Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d’une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant ; lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d’être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : Je suis
Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits !
Il s’embusqua, brigand des bois, dans les épines
Il entassa l’horreur, le meurtre, les rapines,
Egorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu’avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s’écriait, poussant d’affreux rugissements :
Regardez, ma caverne est pleine d’ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre !
Les bêtes l’admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : Tu n’es qu’un singe !6 novembre. Jersey.
Poème préféré des membres
EricChaudre et JulienALBESSARD ont ajouté ce poème parmi leurs favoris.
Commentaires
Rédiger un commentaire
Victor HUGO
Victor-Marie Hugo, né le 26 février 1802 à Besançon et mort le 22 mai 1885 à Paris, est un écrivain, dramaturge, poète, homme politique, académicien et intellectuel engagé français, considéré comme l’un des plus importants écrivains romantiques de langue française. Fils d’un général d’Empire souvent... [Lire la suite]
- Approchez-vous. Ceci, c'est le tas des...
- Le Progrès calme et fort, et toujours...
- L'histoire a pour égout des temps comme les...
- Quand l'eunuque régnait à côté du césar
- A un qui veut se détacher
- Pasteurs et troupeaux
- Ainsi les plus abjects, les plus vils, les...
- Ô Robert, un conseil. Ayez l'air moins...
- Ce serait une erreur de croire que ces choses
- A propos de la loi Faider
Lao-Tseu, délaissant la condition humaine,
Se métamorphosa en un grand singe roux.
Il fut l'orang-outan, primate agile et doux,
Menant une existence on ne peut plus sereine.
*
Mais son vieil ennemi, le grand vent de la plaine,
S'envole à sa recherche en hurlant comme un fou ;
Aussitôt que ce vent parvient à savoir où
Le maître est réfugié, sa fureur l'y emmène.
*
C'est ainsi que survint la tempête fatale,
Et que fut dévastée la forêt tropicale
Qui servait de tanière au vieil orang-outan.
*
Vainement, le grand singe à l'arbre centenaire
S'accroche, il est lancé au loin dans l'atmosphère,
Disant : « Orang-outan en emporte le vent. »