Poème 'Fable ou Histoire' de Victor HUGO dans 'Les Châtiments'

Fable ou Histoire

Victor HUGO
Recueil : "Les Châtiments"

Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d’une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant ; lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d’être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : Je suis
Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits !
Il s’embusqua, brigand des bois, dans les épines
Il entassa l’horreur, le meurtre, les rapines,
Egorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu’avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s’écriait, poussant d’affreux rugissements :
Regardez, ma caverne est pleine d’ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre !
Les bêtes l’admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : Tu n’es qu’un singe !

6 novembre. Jersey.

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Commentaires

  1. Lao-Tseu, délaissant la condition humaine,
    Se métamorphosa en un grand singe roux.
    Il fut l'orang-outan, primate agile et doux,
    Menant une existence on ne peut plus sereine.
    *
    Mais son vieil ennemi, le grand vent de la plaine,
    S'envole à sa recherche en hurlant comme un fou ;
    Aussitôt que ce vent parvient à savoir où
    Le maître est réfugié, sa fureur l'y emmène.
    *
    C'est ainsi que survint la tempête fatale,
    Et que fut dévastée la forêt tropicale
    Qui servait de tanière au vieil orang-outan.
    *
    Vainement, le grand singe à l'arbre centenaire
    S'accroche, il est lancé au loin dans l'atmosphère,
    Disant : « Orang-outan en emporte le vent. »

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