Extase
Ainsi l’amour du Ciel ravit en ces hauts lieux
Mon âme sans la mort, et le corps en ce monde
Va soupirant çà bas à liberté seconde
De soupirs poursuivant l’âme jusques aux Cieux.Vous courtisez le Ciel, faibles et tristes yeux,
Quand votre âme n’est plus en cette terre ronde :
Dévale, corps lassé, dans la fosse profonde,
Vole en ton paradis, esprit victorieux.Ô la faible espérance, inutile souci,
Aussi loin de raison que du Ciel jusqu’ici,
Sur les ailes de foi délivre tout le reste.Céleste amour, qui as mon esprit emporté,
Je me vois dans le sein de la Divinité,
Il ne faut que mourir pour être tout céleste.
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Théodore Agrippa d’Aubigné, né le 8 février 1552 au château de Saint-Maury près de Pons, en Saintonge, et mort le 9 mai 1630 à Genève, est un écrivain et poète baroque français protestant. Il fut aussi l’un des favoris d’Henri IV, du moins jusqu’à la conversion de celui-ci. Théodore décide alors de rédiger la plus grande... [Lire la suite]
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Pont supraterrestre
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Ce pont fut établi entre deux sombres lieux
Afin de desservir l’entrée du supramonde ;
Or, son architecture à nulle autre seconde
Lui permet de frôler la limite des cieux.
Les anges vagabonds l’admirent de leurs yeux
À la vive couleur, dont la pupille est ronde ;
Comme s’ils contemplaient une fosse profonde,
Ils observent la Terre, abandonnée de Dieu.
Et leur faible espérance, inutile souci,
Ne les a consolés nullement, jusqu’ici,
Chacun sur notre sort est sceptique, et le reste ;
Ils ont vu sur Adam le serpent l’emporter
Sans le moindre secours de la divinité :
Adam n’eut pas accès à la route céleste.
Nostalgie de l’arbre et du jardin
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Adam fut jardinier, nul ne sait en quel lieu,
Sauf des chercheurs, peut-être, issus de l’inframonde;
Mordre un fruit, ça lui prit juste quelques secondes,
Puis il vit déferler la colère des cieux.
Or, un tel manquement fut-il grave, à ses yeux ?
Quel mal peut-on trouver dans une pomme ronde ?
En lisant d’Augustin les doctrines profondes,
On comprend que cela le sépara de Dieu.
Adam s’est résigné, car la vie est ainsi,
Avec ses contretemps et ses plaisirs aussi ;
Un jour pour le festin, six autres pour les restes.
Du jardin de jadis tu n’as rien emporté,
Pas même un souvenir de la divinité ;
Mais tu vois son reflet dans la voûte céleste.
Entrée clandestine
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Portail d’un improbable lieu,
Peut-être d’un sombre inframonde ;
Ou la Jérusalem seconde
Qui se dresse au plus haut des cieux.
Je cherche, j’ouvre bien mes yeux,
J’agrandis mes pupilles rondes ;
Dans ma perplexité profonde,
J’attends la réponse de Dieu.
Un message très imprécis
Figure dans un vieux récit ;
Ce qui était obscur le reste.
Tant pis, je me laisse porter,
Avec ou sans divinité,
Vers l’ombre infernale ou céleste.