Epigramme funéraire
Ici gît, Étranger, la verte sauterelle
Que durant deux saisons nourrit la jeune Hellé,
Et dont l’aile vibrant sous le pied dentelé
Bruissait dans le pin, le cytise ou l’airelle.Elle s’est tue, hélas ! la lyre naturelle,
La muse des guérets, des sillons et du blé ;
De peur que son léger sommeil ne soit troublé,
Ah ! passe vite, ami, ne pèse point sur elle.C’est là. Blanche, au milieu d’une touffe de thym,
Sa pierre funéraire est fraîchement posée.
Que d’hommes n’ont pas eu ce suprême destin !Des larmes d’un enfant sa tombe est arrosée,
Et l’Aurore pieuse y fait chaque matin
Une libation de gouttes de rosée.
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José-Maria de HEREDIA
José-Maria de Heredia (né José María de Heredia Girard 1842-1905) est un homme de lettres d’origine cubaine, naturalisé français en 1893. En tant que poète, c’est un des maîtres du mouvement parnassien, véritable joaillier du vers. Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil, « Les... [Lire la suite]
Au désert
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L'ermite Jean mangeait beaucoup de sauterelles.
Dans le miel, il trempait ces insectes ailés,
ILes consacrant au Ciel, avant que d'avaler
Par petites portions leur masse corporelle.
Cette pitance était frugale et naturelle :
Quand les gens de la plaine ont récolté leur blé,
Ne sont-ils aussitôt de labeur accablés ?
À moudre et à pétrir, leurs âme devient frêle.
Jean ne recherchait point l'opulence latine,
Le fromage et le pain si lourdement posés
Devant les travailleurs auxquels on les destine ;
Son repas, toutefois, pouvait être arrosé
(Comme le permettrait la loi bénédictine)
D'une cruche de blanc, de rouge ou de rosé.
Lyre d’ermite
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La musique de Jean charme les sauterelles,
Ce sont des airs de lyre amplement modulés ;
En cadence tu vois les herbes onduler,
Éprises de ces sons vraiment nouveaux pour elles.
Ce chant vient souligner la danse naturelle :
De mille papillons qu’ici tu vois voler,
Eux qui jamais ne sont de tâches accablés,
Sinon de prendre soin de leur voilure frêle.
Au désert n’a point cours l’éloquence latine,
La langue de chacun n’a nul style imposé ;
Au désert n’a point cours la pesante routine.
Un jour tous les sept ans la pluie vient arroser
Ce lieu que la nature à l’ascèse destine ;
Tu vois le bon ermite alors se reposer.