Éloge et pouvoir de l’absence
Je ne prétends point être là, ni survenir à l’improviste, ni paraître en habits et chair, ni gouverner par le poids visible de ma personne,
Ni répondre aux censeurs, de ma voix ; aux rebelles, d’un oeil implacable ; aux ministres fautifs, d’un geste qui suspendrait les têtes à mes ongles.
Je règne par l’étonnant pouvoir de l’absence. Mes deux cent soixante-dix palais tramés entre eux de galeries opaques s’emplissent seulement de mes traces alternées.
Et des musiques jouent en l’honneur de mon ombre ; des officiers saluent mon siège vide ; mes femmes apprécient mieux l’honneur des nuits où je ne daigne pas.
Égal aux Génies qu’on ne peut récuser puisqu’invisibles, — nulle arme ni poison ne saura venir où m’atteindre.
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Victor SEGALEN
Victor Segalen, né à Brest le 14 janvier 1878, mort le 21 mai 1919 à Huelgoat, est un poète, et aussi médecin de marine, ethnographe et archéologue français. Après des études de médecine à l’École du service de santé des armées de Bordeaux, Victor Segalen est affecté en Polynésie française. Il n’aime pas la... [Lire la suite]
Ministre imaginaire
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L'empereur a nommé un ministre fictif
Et même inexistant, ce qui est bien commode :
Car jamais ses décrets ne passeront de mode,
Jamais ne faiblira son effort inactif.
Pour porter assistance à cet illustre absent,
Vous serez quatre cents, valets imaginaires ;
Jamais ne fut si riche un vaillant ministère,
Non-existant, d'accord, mais diablement puissant.
Autant l'opposition que la majorité
Admirent, de ce fait, la sagesse impériale :
Au trône même, un jour, par une loi spéciale,
Ce rien pour successeur sera plébiscité.